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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

Nour-el-Eïn, ma petite dame qui veut manger des gâteaux de dattes.

Elle s’interrompit pour considérer un grain de blé difforme.

Soudain, elle prêta l’oreille. Des appels et des claquements de mains montaient du rez-de-chaussée.

— Attention ! criait Ibrahim, l’eunuque, attention !

« Allah !… Allah !… balbutia Mirmah. Elle connaissait le signal. Fébrilement, elle mit le sac et la bassine dans le plateau, posa le tout sur sa tête et s’élança dans le harem :

— Des hommes !… cachez-vous !… Des hommes !… clama-t-elle.

Mabrouka qui fumait son chibouk d’ébène et Nour-el-Ein qui nattait ses cheveux parurent à la porte de leur chambre.

— Cachez-vous ! répéta Mirmah.

Des négresses débouchèrent du couloir. Elles écarquillaient de grands yeux étonnés. Était-ce donc vrai que des hommes allaient monter dans la maison ? Après un instant d’hésitation, maîtresses et servantes, au lieu de se réfugier dans leurs chambres, coururent, en se bousculant, à la cloison de moucharabieh qui marquait l’extrême limite de leur domaine.

Nour-el-Eïn se jeta sur les dalles, à genoux, et, la face appliquée contre le treillis de bois, observa la cage de l’escalier. Ses cheveux noirs et touffus bouffaient sur ses épaules. Elle était pâle et ses yeux étaient durs. Mabrouka feignant l’indiffé-