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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

tendit la main à Amina et se retira dans son appartement.

— On se moque de nous ! s’écria rageusement la cuisinière.

— Laisse faire… laisse faire,… répondit Mabrouka.

Humiliée par l’attitude de sa rivale, elle s’efforçait à sauvegarder son prestige auprès de sa servante. D’ailleurs le sentiment de son impuissance la portait à la résignation. Nour-el-Eïn avait trop de pouvoir pour qu’elle pût la contrecarrer. Assagie par l’expérience, elle craignait en la poussant à bout de perdre jusqu’aux témoignages de respect que lui valait sa qualité de première épouse de Cheik-el-Zaki.

— Allons, ma sœur, fit-elle avec un soupir. Notre temps est passé… Pourvu que le cheik soit heureux !

— Qu’est-ce qui est passé ? protesta l’esclave. Tu es, je te jure, plus belle que l’autre. Tu es blanche et rose, ton nez est une amande, et le miel coule de ta bouche.

En entrant dans sa chambre, Nour-el-Eïn s’était étendue sur un divan. À genoux, auprès d’elle, Amina considérait amoureusement sa physionomie féline tout en lissant sa chevelure ébouriffée.

— Ah ! je t’aime ! murmura-t-elle.

Elle se pencha vers sa maîtresse et mit des baisers sur ses yeux gris aux cils recourbés et sur son menton pointu, tatoué de trois étoiles bleues. Nour-el-Eïn recevait, sans les rendre, les caresses de la jeune fille. Pas un muscle de son visage ne