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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

tressaillait sous la pression des lèvres humides. Le front contracté, les paupières mi-closes, elle demeurait rigide, comme tendue tout entière dans un effort de réflexion. Fille d’une Circassienne et d’un Arabe, elle avait le teint plus clair que celui des Égyptiennes. Le buste court, la poitrine étroite, les hanches développées et les jambes fines, elle avait une grâce malsaine.

El-Zaki l’avait possédée avec une joie naïve et le contraste entre sa face ravagée, encadrée d’une barbe grisonnante, et les mots puérils qu’il avait dits, avait donné à la jeune femme le sentiment de quelque chose de comique et de méprisable. Lorsqu’elle le voyait penché sur des textes anciens qu’elle était incapable de déchiffrer, elle se sentait envahie d’un respect craintif. Mais aussitôt le souvenir des mots d’amour lui revenait à l’esprit.

Le luxe qu’il avait déployé pour la recevoir l’avait séduite tout d’abord, puis elle s’était accoutumée aux frises des murailles, aux tapis de soie, aux aiguières d’argent. Pour la satisfaire, le cheik la comblait de richesses. Ses terres dans les provinces de Galioubieh et de Menoufieh étaient parmi les plus fertiles de l’Égypte. Il ne dépensait autrefois que le cinquième de ses revenus, mais depuis son mariage les milliers de kantars de fèves, de cannes à sucre et de maïs suffisaient à peine à ses frais. Il dut réduire ses libéralités envers les pauvres.

Nour-el-Eïn aimait les choses éclatantes et ne les appréciait souvent qu’à leur poids, La généro-