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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

qu’elle recevait toutes ses joies et toutes ses douleurs, elle lui attribuait des méfaits imaginaires. Surpris, tout d’abord, El-Zaki ne tarda pas à se rendre compte qu’elle était sensible au point qu’un rien la blessait. Il se reprocha son manque de clairvoyance, la grossièreté de sa nature d’homme et, se méfiant de lui-même, redoubla de précautions et de soins attentifs.

Sous l’influence de Nour-el-Eïn, la physionomie intellectuelle d’El-Zaki s’était modifiée. Sa satisfaction amoureuse lui donnait une assurance telle qu’il jugeait maintenant toutes choses avec ironie. Ce fut dans cette disposition d’esprit qu’il continua ses entretiens avec Goha et Waddah-Alyçum. Indulgent aux erreurs, il développait avec un semblant de sincérité une thèse et aussitôt après la thèse contraire et se moquait finement d’Alyçum qui, ayant applaudi à l’une, applaudissait à l’autre. Même sous cette forme la controverse le lassa. L’anecdote fut beaucoup plus souvent sur les lèvres du savant et cela au détriment de la politique et de la philosophie.

Quoique fidèle à son maître, Alyçum avait une attitude contrainte et fausse. Warda, une semaine après le départ de Mabrouka, l’avait arrêté près de la porte de son palais et l’attirant à l’écart :

— Avant toute chose, lui avait-elle dit, donne-moi une poignée de sequins, car tu es le plus heureux des hommes.

— Quelle nouvelle m’apportes-tu, ma tante ? avait-il demandé, en comptant dix sequins dans la main de la dallala.