Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/154

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— Maigre butin pour des pillards…

— Ils en ont tiré parti, comme ils ont pu. Trois ans après, Waji-Bedr se vit obligé de faire un séjour à Tunis. En chemin, il rencontra dans une oasis des Bédouins qui le reçurent amicalement… Mais ce qui en eux attira le plus son attention ce fut leurs babouches. Il y en avait en peau de veau, en peau de mouton, en maroquin, de rouges, de noires, de vertes, de jaunes, de blanches. Veinées d’or et ornées de rosaces ou d’étoiles en relief, les babouches de ces nobles enfants du désert étaient somptueuses… Il fallut une seconde à Wali-Bedr pour en reconnaître l’origine… c’étaient les reliures de ses précieux manuscrits.

Un esclave berbère entra. Il alluma cinq lampes à huile suspendues au plafond par des chaînettes d’argent et sortit à reculons. El-Zaki parla d’Averroes, d’Avicenne, du juif Moïse Maïmonide dont il possédait les œuvres, puis il passa à d’autres noms moins illustres.

— Voici, dit-il, un roman admirable… Il fut écrit au ive siècle de l’Hégire par Ibn-Tofeil et son titre est Hai-Ibn-Yoedhân. Hai, le héros du livre, vit dans une île déserte en compagnie d’une chèvre qui le nourrit. Abandonné depuis son enfance, il n’a pas eu de communication avec les hommes. Cependant, peu à peu, le spectacle du monde qui l’environne lui inculque certains concepts. Il parvient même aux inductions essentielles en partant de l’examen des plantes, du ciel et de tous les phénomènes naturels auxquels il assiste. En lui-même il trouve le complément de ses observations.