Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/183

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Amina haussa les épaules. Elle trouvait indigne de sa maîtresse une telle insistance.

— Il faut que tu sois bien bonne pour penser à lui… Songe, songe, que c’est un idiot !…

— Amina !… Au fond, tu as raison, que la peste le prenne !

— Lui et la négresse…

— Tu es sûre que Goha couche avec sa nourrice ?

— La cuisinière d’Abd-Allah me l’a répété vingt fois.

— Peut-être trouve t-il sa peau plus blanche que la mienne, fit Nour-el-Eïn avec un sourire acerbe.

Par la fenêtre du fond, taillée en ogive, des rayons polychromes s’infiltraient dans la salle. Sur les dalles se reflétait, en teintes passées, le dessin capricieux des vitraux. La jambe d’Amina était marquée d’une dentelle lumineuse. La projection d’une rosace tachait de sang la robe de Nour-el-Eïn.

La chaleur était pesante. Le soleil déclinant atteignait de plus en plus la salle. Le jet d’eau nuancé se brisait en perles fugitives. Contre le mur, un panneau, où figurait un paon, brillait d’un éclat multiple tandis que de l’ombre s’insinuait dans les pendantifs qui atténuaient les angles du plafond. Sur le vase bleu orné de filets blancs, sur le guéridon d’ébène incrusté de nacre et de cuivre, sur le coffret serti d’émeraudes brutes, sur la lampe d’argent, sur les cassolettes au souffle doux, partout se retrouvait le même dessin subtil. Deux lignes s’entre-croisent et les voici mêlées