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Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/192

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— Tu as pêché hier ?…

— Je pêche tous les jours… Nili comme séfi, séfi comme chétui… Le poisson est petit ou grand, mais c’est toujours du poisson…

Reprenant son air grave, il ajouta :

— Lorsque tu auras fini de te promener, réveille-moi. Je vais dormir ici dès que j’aurai prié… Nous ne pouvons manger que dans six ou sept heures.

Goha s’éloigna. Il y avait près d’un an qu’il n’était pas venu à Ghézireh. Le Nil gris de limon roulait convulsivement. Au loin, les plaines de Guizeh, submergées, formaient des lacs. Les buissons étaient muets, les palmes inertes. Des reptiles rampaient sans bruit.

Goha commençait à avoir faim et soif. Un peu étourdi, il erra dans l’île, puis il se coucha sur le sol. Il s’était étendu sous l’acacia, à proximité de la statue d’Isis qui, depuis, avait été fixée sur son socle de briques.

Goha dormit deux heures. Il se réveilla les membres brisés et l’esprit embué. Son premier mouvement fut d’aller boire, mais il se rappela qu’il était au mois de Ramadan. Il s’étira longuement. Soudain, il aperçut Isis.

Mécontent, il fronça les sourcils. La déesse ne le regardait pas, elle regardait au loin, par-dessus sa tête, les jambes serrées et les mains sur les cuisses. Elle dominait le lieu, elle régnait sur l’île déserte comme elle eût régné sur les foules impies de la cité. Goha subissait avec haine l’ascendant de la déesse. Elle semblait le mépriser