consacrés au désespoir. Elle se dressa au milieu de la pièce, se porta des coups sur la tête, sur le visage, sur les seins, fredonnant une litanie plaintive :
— Venez à mon secours, s’écria-t-elle, vous tous, les bons, les généreux, les beaux, hommes à la grande taille, et femmes à la peau blanche ! Je suis perdue ! L’orage est sur ma tête !… Et Goha est un âne, et je suis dans les mains d’un âne !
À pas rythmés, elle fit le tour de la salle, longeant les murs et se cognant le front. Elle prononçait les mots mécaniquement, un peu distraite, cherchant à reconnaitre la cause de ses lamentations, les conséquences de sa faute dont elle aurait à pâtir.
— Ô ma mère, reprit-elle, j’ai nourri un taureau pendant six ans… Puis j’ai couché avec ce taureau… Et voilà !… Ô ma mère, je lui ai donné mon lait, et il m’a donné un enfant !
À mesure qu’elle dansait, son mouvement devenait plus spontané, sa physionomie plus farouche et plus concentrée. Lentement elle balançait les hanches. Sa colère s’accroissait peu à peu. Soudain elle poussa des hurlements de fauve. Elle avait entrevu le sort qui l’attendait « Ô malheur !… Ô malheur !… Mon maître m’écrasera du pied, mon vrai maître, celui qui a des cheveux blancs et le cœur juste, ? ô malheur ! il me chassera de sa maison !… Ô malheur ! je serai comme les chiennes. J’accoucherai dans la rue et je mourrai dans la rue… Ô malheur ! » Elle s’arrêta devant Goha, puis elle s’abattit sur lui et le frappa, l’injuria :
— Tu n’es pas un homme !… Allons, lève-toi !…