Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/218

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Tu as commis un grand péché ! Dis-moi ce que je dois faire ! Allons, dis-moi ce que je dois faire !…

Goha éprouvait un indicible malaise auprès de cette détresse qu’il ne partageait pas, qu’il ne s’expliquait pas. Dans les paroles de l’esclave, il y avait sans doute un sens caché. Jusque-là, aux heures pénibles de sa vie, il avait trouvé un refuge en Hawa, elle comprenait les hommes mieux que lui, elle avait toujours su lui interpréter leurs pensées. Goha voulut l’apaiser, et, tandis qu’elle l’injuriait, il demanda :

— Hawa, qu’y a-t-il ? Tu veux quelque chose ?…

Elle se découvrit le crâne et se tira les cheveux. Poursuivant sa danse, elle chanta avec une cruelle ironie :

— Goha, tu es l’homme parmi les hommes, tu es mon soutien, tu es mon bras droit et mon bras gauche ! Comment craindrais-je la misère quand tu me soutiens ?

Le drame soufflait entre ces deux êtres et les secouait comme des fétus de paille. Ils étaient lugubres à voir, cet homme qui luttait vainement contre des voiles pour comprendre, cette femme qui se livrait aux événements, grotesque dans sa naïveté désespérée. Ce que Goha voyait c’était la douleur de Hawa, ce que Hawa voyait, c’était la fatalité qui devait la briser. Elle était donc au-dessus de lui par la conception d’une catastrophe inévitable. Et c’était là, borné, misérable, tout le domaine de leur intelligence, tout leur champ d’action raisonnée.

— Dis-moi ce que je dois faire… Tu es mon