Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/238

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— Tu n’auras pas beaucoup à faire, dit-il à Goha, au moment où celui-ci vint prendre ses instructions. J’ai eu la preuve que le métier de restaurateur ambulant est trop compliqué pour toi et je t’en ai choisi un beaucoup plus simple. Mène ta bête où tu veux et à qui te demandera un kadah tu donneras un kadah, à qui te demandera un demi-kadah, tu donneras un demi-kadah. Surtout ne te fais pas voler dans la mesure !

— J’ai compris, dit Goha et il sortit.

La rue était déjà très animée. Goha qui détestait les encombrements s’écarta des quartiers populeux. Il choisit les chemins les plus déserts, s’imposant dans le but d’être seul des détours considérables. Il longeait le Khalig. Cet affluent du Nil qui traverse El-Kaïra du sud-ouest au nord-est était bordé d’habitations, riches pour la plupart. Les maisons surplombaient la rivière et s’y reflétaient en dessins nets. Rien de moins régulier que ces deux rives. On y voyait de larges vérandhas sur pilotis, des turbés, d’étroits escaliers de pierre dont les dernières marches s’enfonçaient dans l’eau et où, aux heures liturgiques, des hommes venaient se laver. Entre deux bâtisses, débordant les murs, les branches touffues d’un gommier rouge s’épanouissaient tandis qu’au loin de minces palmes pendaient au sommet d’une stippe grise.

Goha ne criait pas sa marchandise. Il s’éloignait de la ville au plus vite. Par le licol, il traînait l’âne et les rares passants s’étonnaient se rencontrer un marchand sur une voie si peu commer-