Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/241

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déserte. Goha ne s’en souciait pas. Sa pensée était ailleurs.

— Des fèves ! Personne ne veut des fèves ?… Qui veut des fèves ? Voilà des fèves… Qui veut des fèves ? Je vends des fèves…

Goha chantait d’une voix grave ; la fatigue de ses muscles s’était assourdie aux sons de cette musique qu’il tirait de son âme. Mais il cherchait encore, instinctivement, une cadence plus parfaite sur laquelle rythmer ses pas et ordonner ses gestes :

— Je vends des fèves !… Qui veut des fèves ?… Voilà des fèves…

Et Goha croyait qu’il était en marche pour toujours sur une route infinie ! C’est avec tout le poids de cette confiance qu’il vint buter contre un buisson de palmiers nains mêlés à des cactus. Étonné, il regarda son âne qui lui-même interrogeait son maître. Le voyant hésiter, l’animal, d’un coup de reins, s’allégea de sa charge et de son bât et se roula dans la poussière.

— Comme tu voudras, dit Goha en s’asseyant à l’ombre d’un cactus, et il considéra son âne avec curiosité.

Il le possédait… Il pouvait le battre et même le tuer. Cet animal lui devait obéissance et respect… Cependant lui-même que de fois dans sa vie on l’avait traité d’âne. Cette confraternité que différenciait une légère hiérarchie l’intrigua. Et aussitôt tout ce qu’il devait de protection à cet inférieur de sa race lui apparut. Il le flatta de la main et, pour exprimer son sentiment total, sa sollicitude en