Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/268

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s’agit de leur en imposer, d’être dure et surtout…

Étendue sur sa natte, les yeux ouverts, elle n’acheva pas sa phrase, car elle venait de surprendre un pas étouffé dans l’antichambre. Méfiante et rusée, elle retint son souffle et reconnut, malgré l’obscurité, la silhouette de Goha. « Ce n’est pas naturel, songea-t-elle. Et d’abord, il monte tous les soirs là-haut… Je croyais que c’était pour respirer le bon air… Tu croyais ! tu croyais !… Imbécile ! Est-ce que tu peux m’expliquer pourquoi il se cache ?… Ce qu’il y a de vrai, c’est que ce garçon est un malin… qu’Allah te protège ! Hawa, c’est un démon… Il doit se passer quelque chose… Et d’abord, s’il se passe quelque chose, il vaut mieux que je le sache. »

Goha s’étant éloigné, elle attendit quelques minutes et avec précaution se leva pour le suivre. Elle monta au premier étage où dormaient Mahmoud, ses femmes et ses filles. De là, pour se rendre sur la terrasse, il fallait prendre sur le palier une échelle appuyée contre une petite porte de bois. On la fermait la nuit, mais Goha l’avait ouverte. On voyait un rectangle de ciel bleu pointillé d’étoiles. Parvenue au dernier échelon, Hawa dressa la tête au dehors, la tourna de tous côtés et ne vit personne. Elle s’avança sur la terrasse.

Un cri, parti de la rue, la fit trembler. Elle se rappela que la fille aînée du voisin Abd-Allah était morte la veille. Le bruit courait que c’était un cheytan qui l’avait étranglée parce qu’on avait eu l’imprudence de la laisser une minute, seule, dans sa chambre, la semaine de ses couches,