Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/280

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nourrice, les jambes écartées, il rit à perdre haleine.

— Chut ! fit Mahmoud soudain soupçonneux… Est-ce vrai ? Tu lui as bien dit « Le déshonneur est dans ta maison ? »

— Sur mon œil ! sur mon œil ! Je lui ai dit… Ha ! Ha ! Je lui ai dit… Ha ! Ha ! Je… Ha ! Ha ! Ha !

— Je crois… Allah ! que je suis fatiguée !… Je crois que dans El Kaïra… Allah ! donne-moi la force de souffler !… Goha était la seule personne capable de dire une telle chose au cheik…

C’était Zeinab qui parlait. L’avant-veille elle était accouchée d’un garçon et ses yeux rayonnaient de joie. Mahmoud s’approcha d’elle et tendrement répéta :

— N’est-ce pas, Zeinab, que ton fils était seul capable de faire ce qu’il a fait ?

— Lequel de mes fils ? demanda Zeinab avec orgueil.

— Tu as raison de me le demander, ma chérie… C’est de ton fils aîné que je parle… L’autre, que Dieu le veuille, ressemblera davantage à son père…

— Que Dieu le veuille ! reprirent les femmes.

Zeinab ramena le nouveau-né sur sa poitrine et voulut lui enfoncer le sein dans la bouche. L’enfant, déjà repu, saisit le sein et s’en détacha aussitôt.

— Peut-être, dit Zeinab avec de la coquetterie dans la voix en s’adressant au nourrisson, peut-être, mon cheik, que le lait de ta mère n’est pas assez bon pour toi…