Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/281

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— Qu’Allah protège tes mamelles ! dit Mahmoud, Et caressant du doigt la nuque fripée du nouveau-né, il ajouta : Mange, fils de Mahmoud, mange, mon cher petit veau…

Hawa, Hellal, Nassime avaient hâte de ramener la conversation sur Cheik-el-Zaki. Zeinab involontairement donna le signal. Elle fut reprise de son rire nerveux. Mahmoud, croyant en saisir la cause, formula à voix haute :

— Maintenant qu’il est averti, nous verrons s’il agira comme un homme.

— Il n’y manquera pas, affirma Hawa… Un cheik vénérable ne peut pas avoir une âme de chien !

— En tout cas, fit Zeinab, il sait à présent la vérité… Demain, il renverra Nour-el-Eïn chez son père, ou bien il la fera lapider…

— Je suis d’avis qu’il la fasse lapider.

Un silence amusé suivit ce mot de l’implacable négresse. On était au crépuscule. Dans l’obscurité, les femmes et les fillettes faisaient des taches claires ; les hommes, à cause de leurs caftans sombres, étaient à peine visibles.

— Il a dû rentrer chez lui, dit Nassime.

— Qui ?

— Le cheik.

L’approche du soir inquiétait Goha. Son regard se portait vers la cuisine qu’il traversait pour monter sur la terrasse, toutes ces dernières nuits, il avait attendu vainement. Les pleureuses gémissaient encore chez Abd’Allah et la cheika ne venait pas.