Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/293

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Elles étaient sorties des quartiers populeux et longeaient des jardins en fleurs. Goha, tenant son âne par la bride, les suivait à cinquante pas. Il était aux prises avec une énigme qu’il cherchait vainement à déchiffrer. « D’abord, songeait-il, il y a la négresse aux jolis bras. Elle m’a dit d’attendre, j’attends… Mais l’autre ? Pourquoi m’a-t-elle parlé de la Cheika ? Elle a crié, crié !… Est-ce que je peux comprendre quand on crie ? Hawa, elle, ne crie pas, elle parle gentiment quand elle veut que je comprenne… » Les yeux attachés aux silhouettes sombres, il guettait un signe ou un mot qui lui viendrait d’elles.

Auprès d’un champ de maïs, Nour-el-Eïn et ses compagnes, épuisées, s’accroupirent en rond. Goha s’arrêta également à quelque distance. Une légère brise soulevait son caftan de toile blanche. Accoudé sur l’encolure de son âne, il réfléchissait à ce qu’il devait faire, attendait un regard engageant. Il fit un pas en avant, puis un autre. Il dit, à voix haute, de manière à être entendu :

— Par Allah ! Je suis indécis !

Amina tendit son poing vers le provocateur. Elle était très agitée. On eût dit qu’elle, si douce, avait hérité depuis l’affaissement de Nour-el-Eïn de toute l’irritation qui avait été coutumière à celle-ci, autrefois.

— Que veux-tu ? cria-t-elle. Tu nous poursuis de ta bêtise et de ta méchanceté ! Va-t’en !

— Nous ne te connaissons pas, ajouta la vieille Mirmah, nous allons chez Abd-el-Rahman…