Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/34

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rants sur Cheik-el-Zaki, leva vers le ciel les paumes de ses mains et dit :

— Cher et illustre maître, j’ai peur pour votre cerveau.

— Mais non ! mais non ! fit Cheik-el-Zaki contrarié.

— J’ai peur pour votre cerveau, cher et illustre maître, répéta Waddah-Alyçum avec une visible angoisse.

— Allons donc, mon cher ! Mon cerveau ? Allons donc !

— Cependant l’aventure de l’amour est pleine de périls…

— Tais-toi ou tu me fâcheras ! cria El-Zaki.

Il se pencha au dehors. La rue était silencieuse. De-ci, de-là, un groupe d’ouvriers ou de vendeurs… Dans la lueur qui descendait les marches de la mosquée, deux ou trois formes étendues cherchaient le repos… Le mendiant sur ses béquilles s’éloignait à pas comptés, avec des précautions infinies pour son mal. Les maisons aux fenêtres et aux portes closes semblaient ne plus devoir s’éveiller…

Pareil à quelque profanateur, Goha s’avançait pâle, les yeux creusés par la fatigue, et d’une voix forte jetait son appel dans la nuit. Depuis son entrée dans la carrière, il n’avait jamais rencontré pareille indifférence à l’égard de ses victuailles, Il s’imaginait que par l’effet d’un enchantement, la rue se vidait à son approche.

— Envoie ! Envoie !

Mais il ne répéta pas ce mot, car il venait de