Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/341

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pesamment, sans s’inquiéter des vagissements de la fillette.

La ! la ! j’ai deux sequins !
La ! la ! j’ai deux sequins !
La ! la ! j’ai deux sequins !

Elle lança le nouveau-né sur le divan et se jeta sur Goha qui la regardait, ébahi. Elle lui baisa les joues, les lèvres, les yeux, lui tira les oreilles et la touffe de cheveux plantée au sommet du crâne.

— Maintenant, regarde, dit-elle en ouvrant sa main où luisaient deux sequins d’or.

Sa physionomie tout à coup devint sérieuse.

— Regarde, reprit-elle sur un ton sévère. Et d’abord admire ce que je te montre… Deux sequins et c’est de l’or… De l’or comme on en donne aux filles d’un mamelouk !

Brusquement elle écrasa de la main les narines de Goha.

— Sens-moi ça ! ajouta-t-elle et bénis le Tout-Puissant… C’est de l’or, Sidi… Et d’abord à qui est-ce qu’on l’a donné ? À Hawa. Qui l’a mérité ? Hawa… C’est Hawa qui l’a mérité…

Elle se tut un instant.

— Non, il faut être juste, dit-elle. Hawa l’a mérité, mais Sayed est un bon garçon…

Elle fit claquer sa langue :

— Ah ! quel homme !

Goha sentit qu’il devait répéter après sa nourrice comme il l’avait fait jadis : « Ah ! quel homme ! » Mais, il n’y parvint pas. Il voulut surmonter sa répugnance. À mesure qu’il s’y effor-