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Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/344

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creusé, en frappant le sol du fer de sa lance, un trou sans fond où trois mille cavaliers avaient été engloutis. Et ce qu’il avait fait jadis pourquoi ne le ferait-il pas encore ? Si seulement Hawa voulait… Il attendit l’aube, les yeux grands ouverts, tour à tour exalté, calme et déprimé.

Le matin, Hawa se leva joyeusement sous le regard fiévreux de Goha.

— Lève-toi, mon maître, il faut que je nettoie, dit-elle la pensée absente.

Goha tressaillit à ces mots. Ils lui rappelaient les jours heureux où, traqué par le balai de sa nourrice, il errait de pièce en pièce. Éperdu de joie, il crut à un retour de ce passé.

— Tu te souviens, ma nourrice ?… Un jour, je t’avais dit : Hawa je te jure que tu as balayé cette chambre !… Ce n’était pas vrai.

— Je n’ai pas le temps de plaisanter, Sidi, répondit Hawa avec impatience, je suis pressée… Sayed m’a promis d’amener un client, ce matin.

Le sourire de Goha s’éteignit sur ses lèvres. Son dernier espoir venait de s’écrouler. Il sortit de la chambre, ivre de fatigue et de douleur.

Une femme descendait l’escalier. C’était Amina, l’esclave de Nour-el-Eïn. Goha alla au-devant d’elle. Parvenue à la dernière marche, la jeune Syrienne poussa un cri. Il lui posa la main sur l’épaule et d’une voix caressante lui dit :

— Amina…

— Va-t’en ! Va-t’en ! répondit-elle haineusement. Je savais que tu habitais cette maison, mais je ne voulais pas te voir.