Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/356

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apercevait Sayed qui, suivi d’un nouveau client, lui faisait signe de patienter. Il reprenait ses calculs :

— Je ne l’ai pas vu… Est-ce un jeune, un vieux ?

Son attente se prolongeait. Il sommeillait, se réveillait en sursaut. L’aube blanchissait les maisons.

Vint enfin le jour du drame.

C’était un matin du mois de Schawal. L’atmosphère poussiéreuse annonçait une chaleur étouffante. Goha qui avait veillé très tard dormait d’un sommeil pesant. Il ne répondit pas à l’appel de la négresse qui avait résolu de nettoyer sa chambre minutieusement. Elle l’appela une seconde fois, puis alla le secouer à pleins bras :

— Hé, réveille-toi, je dois nettoyer à fond aujourd’hui… Tu ne sais que manger et dormir… Voilà tout ce que tu sais faire…

Il se réveilla, prit dans ses bras l’enfant que Hawa lui tendait et alla s’asseoir dans l’entrée, sur la première marche de l’escalier.

La fillette, sur ses genoux, luttait contre ses langes. Elle tordait son corps grêle, agitait ses membres. Elle réussit enfin à dégager un de ses bras et son poing s’accrocha au caftan de Goha.

— C’est mon enfant, se dit-il, mon enfant.

Aucun élan de tendresse ne suivit cette pensée. Il avait simplement le sentiment de la propriété et des instincts malfaisants s’agitèrent en lui. À ce moment Sayed apparut à la porte. En traversant le vestibule, il donna sur l’épaule de Goha une