Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/403

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— Oui, demain, répéta Goha fébrilement.

— Demain, demain… et pourquoi pas tout de suite ? Warda est une personne d’ordre, Warda connaît les usages.

Nazli-Hanem alla ouvrir une malle incrustée de nacre dont elle portait la clef, compta cinq cents sequins et les remit à la dallala. Celle-ci ne put maîtriser son émotion. Les joues en feu, la voix tremblante, elle bredouilla :

Amusez-vous, mes doux anges, amusez-vous… Warda s’occupe de vous et vous bénit…

Quand ils se trouvèrent seuls, Goha et Nazli-Hanem n’osèrent se rapprocher. Leur liberté les troublait, ils regrettaient presque que Warda fût partie. Nazli-Hanem balbutia, honteuse :

— Tu vas penser que je suis une femme sans dignité. Et pourtant je te jure, Goha, que je suis loyale ; je te jure que mon cœur est blanc…

Elle se laissa glisser sur le tapis et posa sur les genoux de Goha un visage soucieux. Il respira sa tristesse et, les doigts dans sa chevelure dénouée, murmura :

— Cheika, cheika belle comme la face du matin, cheika belle comme le talon du bonheur !

Il fit une pause. Ses yeux s’emplirent de rêve… Le sentiment qui était né en lui là-bas, sous les tamaris de Ghézireh, pour la déesse de pierre, et qui s’était épanoui peu à peu dans la chaude étreinte de Nour-el-Eïn, se répandait maintenant sur cette femme qui était devant lui. L’image de la divinité, celle de la fille de Mélek, celle de Nazli étaient posées le long de cet amour unique