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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

sauta dans une barque. Il s’apprêtait à démarrer quand Goha l’interpella :

— Hé ! cria-t-il, dis-moi si tu connais Abd-el-Akbar ?

— Hadj-Abd-el-Akbar, rectifia l’enfant. Oui, je le connais. C’est mon père.

— Il est ici ?

— Non, il a traversé ; il est là-bas, répondit l’enfant en tendant la main vers Ghézireh. Tu avais besoin de lui ?

— Je voulais aller de l’autre côté. Est-ce que tu peux m’y conduire ?

— Le courant est trop fort pour moi, Sidi, les tourbillons font bou-loum, bou-loum, et entraînent la barque. Mais si tu veux traverser, je puis appeler mon frère aîné.

— Va l’appeler, ordonna Goha.

L’enfant mit pied à terre, courut dans le hameau et revint avec son frère, un grand garçon qui marchait en se dandinant. Celui-ci, sans rien dire, fit signe à Goha d’entrer dans la barque, prit les avirons et démarra. Ils atteignirent péniblement la rive opposée. Goha remercia le rameur, s’étendit sur la berge et ferma les yeux.

Un bruissement dans un arbuste proche attira son attention. Il détourna la tête et vit, à portée de ses doigts, un caméléon vert pâle s’avancer avec précaution, puis s’arrêter et s’accroupir. Il déposa une quarantaine d’œufs contre une pierre. Goha le saisit par la patte. L’animal ne fit aucune résistance. Abandonnant son corps à l’homme qu’il ne craignait pas, il le regarda d’un œil,