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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

— Qu’il est beau ! dit Nour-el-Eïn machinalement. Qu’Allah me le protège !

— Tu vois, reprit Zeinab avec orgueil, le tien cause avec Hadj-Mahmoud, le mien.

Soulevant un peu la moucharabieh, au mépris de la bienséance, elle cherchait à fixer sur Cheik-el-Zaki le regard distrait de Nour-el-Eïn. Un eunuque s’avança, et cingla les épaules de Zeinab d’une badine flexible.

— Baissez ça ! clama-t-il.

Elle se couvrit le visage et courut se réfugier dans le vestibule où se trouvaient réunis les enfants des invités. Épuisés par les jeux bruyants, ils s’étaient assoupis sur les nattes, fillettes et garçons entremêlés. Contre les murs, un nourrisson dans les bras, quelques négresses oscillaient la tête en chantonnant des complaintes sauvages. Les sœurs de Goha, qui s’étaient distinguées par leur surexcitation et leur gloutonnerie, dormaient entrelacées sous la garde de l’aînée accroupie à leur côté et gagnée elle-même par le sommeil.

De fortes clameurs accueillirent les almées. Tandis que les nègres continuaient à circuler avec des tasses de cannelle et des gâteaux fourrés de dattes, elles occupèrent des tapis étroits qu’on avait préalablement étendus au milieu du jardin.

Aux premiers accords du luth, elles se placèrent à distance égale l’une de l’autre. Sur leurs jambes nues flottait un voile tissé d’or. D’un mouvement brusque, elles se découvrirent le ventre, et, rejetant la tête en arrière, elles tendirent aux hommes leur chair luisante et brune.