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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

— Laisse-moi faire, dit Goha d’un air ennuyé, dans une semaine tout sera fini. J’ai déjà donné mon consentement. Alors, tu comprends, l’affaire est à moitié conclue…

Les premières lueurs de l’aube pénétraient dans le vestibule. Tandis que Goha s’apercevait que Hawa était noire comme à son ordinaire, Hawa, que les précisions de son jeune maître avaient désenchantée, songeait qu’elle aurait à subir jusqu’à la fin de sa vie le sourire dédaigneux de Fatma. Une toile d’araignée, accrochée au plafond, lui fit penser à ses travaux domestiques et soudain elle eut conscience du péril qui menaçait ses amours :

— Va-t’en, souffla-t-elle dans l’oreille de son amant, va-t’en ! Hadj-Mahmoud pourrait nous surprendre. Allah ! Allah ! pourvu qu’il ne nous ait pas entendus !

Quelques heures plus tard les femmes et les filles de Hadj-Mahmoud se trouvaient réunies autour d’un vaste récipient et chacune trempait sa galette de maïs dans la salade de tomates. Mahmoud qui, avec son fils, mangeait des fèves, ayant terminé son repas, se rinça la bouche, obtint d’un signe le silence et parla :

— Goha, dit-il d’une voix dure, hier, tu nous as désobéi. On t’avait dit de garder la porte et tu es sorti. J’aurais dû m’en douter.

Il fixa sur son fils un regard plein de reproches et reprit :

— Ce n’est pas tout ! Dans le jardin de Cheik-el-Zaki je t’ai observé ; tu étais la risée des gens.