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Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/96

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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

— Tu ne m’entendais pas ? demanda-t-il à Cheik-el-Zaki.

— Non, mon fils… Que ta journée soit bénie.

— Je suis Goha.

— Je te connais déjà… que ton nom vive parmi les noms.

— Depuis la maison, je cours après ton âne… Mon père a dit que tu es sage et Hawa aussi l’a dit et Zeinab aussi l’a dit et Hellal aussi l’a dit et…

Le cheik l’interrompit d’un geste amical :

— Alors tu dois me conseiller, reprit Goha. Moi je suis devenu proverbe…

— Proverbe de quoi ?

— De la sottise.

— Et ton avis ? Quel est ton avis ?

— Mon avis ! répliqua Goha.

— Oui… Est-ce qu’on a raison de dire que tu es sot ?

Goha demeura stupéfait. Jamais il n’avait songé à contrôler le jugement d’autrui. Les hommes terribles par leur mépris et par leur nombre représentaient pour lui un destin et, puisqu’ils étaient unanimes à parler de sa sottise, il croyait la question définitivement résolue. Il voulut, toutefois, se montrer digne de cette marque d’estime exceptionnelle et chercha une réponse, lumineuse.

— Goha est sot ; ça on le dit…

— On le dit, répéta Cheik-el-Zaki.

— Où est Goha ? reprit Goha, encouragé par le silence approbateur du maitre. Le voici ! le voici ! le voici !