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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

j’ai pu », semblait-il dire et le Cheik ne put réprimer un sourire.

— Veux-tu monter derrière moi sur mon âne ? lui proposa-t-il.

Il avait parlé à voix haute comme pour s’imposer à l’attention de la foule et l’on s’écarta de lui avec déférence. Goha monta sur l’âne salué par des murmures discrets. Les curieux s’étonnaient de l’honneur que faisait à un idiot ce cheik illustre.

— Nous causerons jusqu’à l’entrée de l’Université, ajouta Cheik-el-Zaki.

Le trajet n’était pas long. Mais, à chaque pas, il fallait s’arrêter pour répondre aux compliments des passants. D’un ton bienveillant, le maître interrogeait son jeune compagnon. Goha l’écoutait à peine, occupé à maintenir son équilibre sur la croupe glissante de l’âne. Il essaya, comme le lui avait recommandé Hawa, d’adresser au cheik des paroles aimables et familières, mais à chacune de ses tentatives il manqua choir dans le ruisseau et il ne put proférer que de petits cris de frayeur. Les doigts agrippés à la peau de l’âne, il songeait aux questions que Hawa lui ferait à son retour et aux reproches dont elle l’accablerait. L’Université d’El-Azhar était en vue. Alors, surmontant sa peur, il posa la main sur l’épaule de Cheik-el-Ziaki :

— Tu es marié ! s’exclama-t-il la mine épanouie.

El-Zaki s’arrêta pour confier sa monture à un libraire qui tenait boutique près de l’Université.

Avant de disparaître parmi ses élèves, il pria Goha de venir le voir et se retournant vers quelques