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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

étudiants qui assistaient à cette intimité avec une moue dédaigneuse, il leur dit :

— Vous êtes surpris de me voir avec cet homme… Pourquoi ?

— N’est-ce pas un insensé ? répondit l’un d’entre eux.

— Ce n’est pas un insensé ! répliqua le cheik nerveusement.

Il sentait que le mépris de ses élèves pour Goha était légèrement injurieux pour lui-même. Aussi résolut-il de prendre avec emphase la défense de son jeune compagnon.

— Les insensés, dit-il, sont des êtres dont l’âme est gâtée. L’âme des idiots au contraire est pure. Consultez les Prolégomènes d’Ibn-el-Khaldoun. Vous verrez à la fin du sixième discours préliminaire une suite de distinctions que vous devriez connaître…

Et tout en dissertant, il se dirigea vers sa colonne suivi des étudiants qui l’écoutaient humblement.

Le soir même, Goha se rendit chez son voisin. Quand il eut traversé le porche monumental, il se trouva dans une cour dallée. La haute clôture où grimpaient des chèvrefeuilles et des jasmins, était longée de bananiers. À sa droite, était le pavillon réservé à la réception des hommes ; devant lui se dressait une grande bâtisse rouge. Des moucharabiehs masquaient les fenêtres. Au delà des constructions s’étendait le verger et, tout au fond, à travers le feuillage des figuiers de banian, se dessinait la coupole blanche de la