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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/123

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APOLOGÉTIQUE. APOLOGIE


de FEglise. La preuve achevée, la crédibilité soit de la religion chrétienne, soit de l’Eglise, se trouve établie svir des bases rationnelles, puisque le fondement de cette crédibilité est acquis. Mais dans les deux cas, la question capitale est celle des critères, si"-nes distinctifs de la révélation divine ou du messager divin qui la présente aux hommes ; ces critères n'étant plus considérés d’une façon spéculative et hypothétique, mais dans leur réalité historique et leur application concrète, conmie signes divins, voulus par Dieu lui-même, pour nous permettre de constater l’existence de sa révélation et de reconnaître où elle se trouve.

2. Critères ou signes distinctifs de la révélation (liyfine. — Si nous nous en tenons à l’ensemble des Pères de l’Eglise et des grands théologiens catholiques, trois sortes de critèi’es peuvent servir à reconnaître le caractère divin de la révélation chrétienne ou de l’Eglise, envisagée comme société religieuse. Au premier rang apparaissent les critères externes, traités par le concile du Vatican de « signes très certains et appropriés à l’intelligence de tous ». Ce sont des faits sensibles, extraordinaires, distincts de la révélation elle-même, dont ils prouvent l’origine divine, à titre de témoignages surnaturels authentiquant la doctrine ou la mission de l’apôlre qui l’annonce. Telles sont les prophéties de l’Ancien et du Nouveau Testament ; tels, les miracles de l’ordre physique opérés par Notre-Seigneur et ses apôtres ; tels encore, les miracles psychologiques, comme la sagesse conférée subitement aux ignorants par l’Esprit Saint, et ces miracles de Tordre moral que le concile du Vatican range sous le titre général de faits divins, et qui font de l’Eglise elle-même un perpétuel motif de crédibilité : son admirable propagation, sa sainteté éminente et son inépuisable fécondité en toute sorte de biens, son unité catholique et son invinciljle staljilité. A ce genre de preuves se rattache le grand fait moral que le génie d’un Bossuet a pu dégager du mouvement du monde, dans son discours sur l’Histoire universelle, et qui consiste dans l’action transcendante, mais continue, de la Providence divine dirigeant toute chose en vue du Christ et de son Eglise.

Après les critères externes viennent les internes, entendus de signes distinctifs inhérents à la doctrine révélée. Vérité sans mélange d’erreurs, pureté et sainteté ; élévation dogmatique et beauté moi’ale, liaison et harmonie des parties ; convenance avec la nature de l’homme, sa condition et ses besoins ; aptitude à promouvoir d’une façon insigne et consn tante l’honnêleté des mœurs, privées ou publiques ; t autant de qualités qui conviennent à la doctrine [chrétienne dans un degré si éminent, qu’il n’en faut jpas davantage, parfois, pour amener un esprit làérieux et bien disposé à la ferme conviction, Jl’abord de la transcendance du christianisme par -apport aux autres religions, puis de son origine Ilivine. En fait, dans l’aperçu historique du mouvement apologétique à travers les siècles, nous avons lenconlré ce second genre de critères utilisé, comme le premier, non seulement par les anciens apologistes Il par les Pères de l’Eglise, niais encore par les lliéologiens scolastiques du moyen âge et ceux <pii liur succédèrent. Qui voudrait s’en convaincre plus braplètement n’aurait qu'à jeter un coup d'(L’il sur Il liste des nuilifs de crédibilité que plusieurs d’entre lix ont dressée ; quelle que soit l'école particulière pnt ils dépendent, le même fonds connnun se Tlrouvc, i-enferiuant souvent pêle-mêle critères Lternes et critères internes. Voir, par exemple, le janciscain Mkihna, Christiana parænesis sive de Yla in Deum fide, L. II, Venise, 1564 ; le jésuite

Slarkz, De fide, Disp. iv, sect. ii, n. 2 ss. ; le dominicain GoNET, -De fide, Disp. I, Digressio iitilis et JHCundu de præcipuis credihilitatis nostrae fïdei argumentis (Clypei.s thom., t. IV, p. 287, Lyon, 1681) ; les CARMES DE Salamaxqle, qui renvoient aux précédents, De fide, Disp. I, dub. 5, n. i-j’i.

Il est un troisième genre de critères, plus particulier : les critères internes d’ordre subjectif, c’est-à-dire inhérents au sujet. Ils consistent dans des eîFets produits en nous par la grâce, illuminations et inspirations nous portant à embrasser la révélation chrétienne ou à nous j tenir fermement attachés. L’idée, en soi, n’est nullement étrangère aux anciens Pères ; saint Cyprien, par exemple, nous parle de la transformation morale qu’il sentit s’opérer en lui après sa conversion : Lettre à Donat, n. 4-5, PL., t. IV, p. 200 ; saint Augustin est plus explicite encore, Confess., 1. VIII, c. xii, n. 29. P. L., t. XXXII, col. ^62. Sans doute l’illumination, même surnaturelle, de l’intelligence ne constitue pas par elle-même, on l’a déjà dit, une révélation privée, suppléant à la proposition extérieure de l’objet ; celle-ci a lieu, selon l’orch’e providentiel, par l’apostolat vivant de l’Eglise ou quelque chose d'équivalent, comme le rappelle le concile de Trente quand, parlant de la façon normale dont se fait la préparation des adultes à la justilication, il nous les montre concevant la foi après l’avoir entendu proposer, fide ni ex auditu concipientes, Sess. VI, c. vi. Il n’en reste pas moins concevable que l’impulsion surnaturelle, connue pour telle, puisse non seulement jouer le rôle de moteur subjectif, mais encore, en vertu de sa connexion avec la doctrine proposée, celui de motif objectif de crédibilité. De grands théologiens scolastiques le reconnaissent : « On peut éprouver en soi ces motions divines, et de leurs elïets conjecturer très fortement qu elles sont divines et viennent du bon esprit ; aussi les range-t-on parmi les motifs qui contribuent à la crédibilité de la foi. » (Suarez, De fide, Disp. IV, sect. Vl, n. 4 ; cf. sect. III, n. 2 ; de Lugo, De fide. Disp. V, Sect. IV.) La difficulté est de reconnaître avec une certitude sullisante le caractère surnaturel de ces motions intérieures ; difficulté grande déjà pour les fidèles les plus expérimentés, car l’illusion est toujours facile en pareille matière, mais grande surtout, et beaucoup jîlus grande, pour ceux qui n’ont pas encore la foi. Aussi les critères internes d’ordre subjectif ne valent-ils guère, habituellement parlant, qu'à titre subsidiaire ou conlirmatif.

III. — Les deux formes spéciales de l’apologétique classique : démonstration à deux degrés, et démonstration simple. — Ces deux formes se rattachent à l’apologéticpie classique, non qu’elles se trouvent toujours, ni même communément, à l'état explicite, dans les manuels courants, mais en ce sens que les deux ont leurs attaches dans le passé, et sont nuirquées, depuis le concile du Vatican, de l’estampille officielle.

I. Forme ordinaire : démonstration à deux degrés, chrétienne et catholique. — Cette forme est esquissée dans la constitution valicane, au ch. iii, de Fide : « Afin que l’hommage de notre foi fût d’accord avec la raison, aux secours intérieurs du Saint-Esprit Dieu a voulu joindre des preuves extérieures de sa révélation, savoir des faits divins, des miracles et des prophéties ((ui, en montrant abondannnent la toulel)uissance et la science infinie de Dieu, constituent autant de signes très certains et appropriés à l’intelligence de tous. C’est pour((uoi Moiseet les prophètes, mais surtout le Christ Notre-Seigneur, ont fait des prophéties et des miracles nombreux et très maniI festes ; et nous lisons des apôtres : Etant partis, ils