Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
257
258
APOTRES


ensuite : on en conclut que la notion du collège apostolique est absente du quatrième Evangile. Nous croyons, au contraire, que tous les traits que nous venons de relever s’entendent directement et premièrement des Douze que Jésus a choisis, qu’il a établis, parmi lesquels Judas seul a été infidèle, et enfin qu’il a envoyés lui-même en son nom dans le monde. La notion d’apostolat (le mot même se laisse entrevoir) est ici essentiellement la même que chez saint Paul, à cette différence près qu’elle n’est réalisée semblet-il, que dans les Douze. ous reviendrons plus loin à ce problème. Quant aux croyants, ils sont au-delà et n’apparaissent que comme les convertis des Douze :

« Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour

ceux qui. par leur parole, croiront en moi n(/o., xvii, 20). Dans les épîtres johannines il n’est pas fait mention des apôtres. Dans l’Apocalypse, nous avons relevé la mention des douze apôtres de l’Agneau (xxi, 14). Ailleurs, dans la description de la chute de Babylone, c’est-à-dire de Rome, l’auteur écrit : « Réjouis-toi sur elle, ciel ; et vous aussi, saints, apôtres et prophètes, car Dieu vous a fait justice d’elle)>(xvni, 20). Ailleurs, enfin, l'église d’Ephèse est félicitée d’avoir « mis à l'épreuve ceux qui se disent apôtres et qui ne le sont pas » (11, 2). Ces faux apôtres sont les mêmes que l’Apocalypse appelles Nicolaïtes (11, 6). En ces divers textes, on ne voit pas que saint Jean ait pensé à d’autres apôtres que les Douze.

Dans l'évangile de saint Marc, il n’est parlé que des Douze. Une fois seulement les Douze sont appelés apôtres, au retour de la mission que leur a donnée Jésus au cours du ministère galiléen : « Alors il appela près de lui les Douze, et commença de les envoyer (K7T07T£/y- : tv) deux à deux » (vi, 'y). Ils reviennent :

« de retour près de Jésus, les âTrsVrî/it lui rendirent

compte de tout ce qu’ils avaient fait et de tout ce qu’ils avaient enseigné » (vi, 30). Mais' il semble bien <(ue dans ce passage unique le mot àircVrî/îi n’ait pas d’autre signification que celle du verbe à-07T£/y£i>. Dans l'évangile de saint Matthieu, il n’est pareillement parlé que des Douze. Mat., x, 5 ; xx, 17 ; xxvi, 14, ^7- Marc, III, 14 ; IV, 10 ; vi, 7 ; ix, 35 ; x, 82 ; xi, 11 ; XIV, 10, 17, 20, 43. Quand saint Matthieu ne dit pas « les Douze >'. il dit les « douze disciples » . Mat., X, I ; XI, I ; XXVI. 20.

La constance des témoignages qui parlent des Douze ne permet pas de douter que ce choix de douze disciples n’ait été vraiment fait par Jésus en personne conformément au récit des Synoptiques. Voyez les récits de la vocation des Douze, Marc, iii, 18-19 ; Mat., X, 1-4 ; Luc, VI, 12-16. Cf. Wf.iszæckkr, Apostolische Zeitalter^ (Leipzig, 1902), p. 58/| ; Wernle, An fange unserer Religion (Leipzig, 1901), p. 71 ; Harxack, Mission, t. I. p. 268. Sur les divergences des listes des Douze données par les Synoptiques, voy. MoxNIER, f.a notion de l’apostolat, p. joo-108.

Sur la primauté de Pierre parmi les Douze, voyez l’article Piehue de ce Dictionnaire.

IV. — Mais si on en croyait certains critiques, il y aurait lieu de distinguer une notion primitive de l’apostolat, puis une notion pauline. enfin une notion postpauline ou catholique, et ces trois notions seraient irréductibles. Nous croyons qu’il s’agit là seulement de nuances et de moments.

Il est sur que Jésus a choisi douze de ses disciples pour les attacher par un lien spécial à sa personne et à son œuvre : il a fait d’eux ses témoins. Voilà pourquoi, au jour du renouvellement, les Douze siégeront sur douze trônes et jugeront les douze tribus d’Israël (J/r//., xix, 28), auxquelles ils auront porté l’cvangile du Christ. Y a-t-il une connexion entre ce nombre douze des apôtres et le nombre des tribus, en sorte que les Douze n’auraient de mission que pour

Israël ? Non, pas plus qu’on n’a le droit de dire que Jésus réservait son message au seul Israël, on ne peut dire que le nombre douze implique et confirme cette liniTtation. Voyez notre Enseignement de Jésus (Paris, 1905), p. 174-180, et notre Eglise naissante (Paris, 1909), p. 109-112.

Il est sur également que, au premier jour, on a attaché à ce nombre douze une importance spéciale qui s’est ensuite effacée. On en a la preuve dans l'élection de Mathias, en remplacement de Judas : le nombre douze est à ce moment un nombre que les onze veulent maintenir. « Il faut donc que, parmi les hommes qui nous ont accompagnés tout le temps que le Seigneur Jésus a A'écu avec nous, à partir du baptême de Jean jusqu’au jour où il a été enlevé du milieu de nous, il y en ait un qui devienne avec nous témoin de sa résurrection » (Acf., 1, 21-22). Les onze survivants ont ceci de commun qu’ils ont été avec Jésus tout le temps de son ministère, et qu’ils sont maintenant les témoins qui certifient sa résurrection. Mais ils ont ceci encore de commun qu’ils ont été choisis par le Sauveur lui-même. Le douzième, qu’on va élire à la place de Judas, ne sera-t-il donc pas l'élu du Sauveur ? « Ils en présentèrent deux : Joseph appelé Barsabas et surnommé le juste, et Mathias. Et s'étant mis en prière, ils dirent : Seigneur, vous qui connaissez le cœur de tous, indiquez lequel de ces deux vous avez choisi, pour recueillir la place et le ministère de l’apostolat que Judas a laissé pour son crime pour s’en aller en son lieu ! On tira leurs noms au sort, et le sort tomba sur Mathias, qui fut associé aux onze apôtres » (Act., 1, 28-26). Mathias ne reçoit aucune imposition de mains : il est censé élu par Jésus.

Une autorité exceptionnelle est restée aux Douze, qui eux, au début au moins et quelques années durant, demeurèrent à Jérusalem. Si les Douze n'étaient pas encore missionnaires, s’ils témoignaient de JésusChrist sans sortir de la cité sainte, ils avaient une vraie intendance sur tout ce qui était mission au loin, et la preuve en est que Paul fut harcelé par de soidisant apôtres qui se réclamaient d’eux, et que Paul en fin de compte vint à Jérusalem pour se voir donner les mains par eux. Weizsâcker, qui a analysé leur situation avec beaucoup de finesse, observe tpie d’abord les Douze n’avaient pas intendance sur la communauté de Jérusalem seulement, mais sur les communautés en général ; et secondement que les Douze nous apparaissent, non pas comme un collège ou une corporation, mais comme des personnalités. Apostol. Zeitalter, p. 585.

En même temps, d’auprès des Douze des missionnaires partent et A’ont répandre l’Evangile dans le monde. Les sept qui sont élus pour aider les Douze (Act., VI, 1-6) sont des juifs hellénistes, et non plus hébreux comme les Douze : Etienne est mort trop tôt pour devenir un missionnaire, mais Philippe l’est devenu, et a porté le nom d'évangéliste (Act., viii, 5 et XXI, 8). Paul et Barnabe portent le nom d’apôtres et sont missionnaires. S’il est sûr que l’apostolat de saint Paul a été contesté par des judaïsants qui avaient à Jérusalem levu-point d’appui, il est sur que ces judaisants contestaient par-dessus tout l'évangile de Paul et sa propagande chez les incirconcis. Or un de leurs arguments était de contester à Paul la qualité d’apôtre, sans qu’aucun lui reprochât de n'être pas des Douze. Les adversaires de Paul avaient donc une notion de l’apostolat qui coïncidait avec celle de Paul, puisque le débat ne portail pas sur cette notion, nuiis sur la légitimité de l’attribution que s’en faisait Paul. Il a donc pu exister d’autres apôtres que les Douze, en y joignant Paul et Barnabe. Nous avons vu, en effet, saint Paul rapporter que le