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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/18

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AGNOSTICISME

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lil)éral Pahker, « il n’y a qu’une relijiion, l)ien qu’il y ait plusieurs théologies ». (Discoiirse of matters periaining to religion, p. i/| sqq. Cf. BrcuANAN, Faith in God, Edinburgli, 1855, t. II, j). 221 sqq. ; ReA". MacKiNTosii, Christian Theologr and i-ompar(ili'>'0 Religion, dans l’Expositor, sept. 1907. Voir Eneyclique Pascendi, ^ Atque liaec, Yenerabiles.) — t) Ku eoncédant (pie l’agnostieisnie doi^inatique n’est pas néeessaireinenl ralliéisuie. on ne veut pas dire qu’il soit dans une situation religieuse bien prospère. Le saunage qui n’a qu’une connaissance rudinu-nlaire de Dieu, mais sans erreur, est en réalité, à mon avis, dans de meilleures conditions morales et religieuses — toutes choses égales d’ailleurs — que l’agnostique dog-uiatique. Le premier est capable de progrès dans la connaissance religieuse ; le second se l’interdit par esprit de système. L’un est dans la nature et suit l’ordre des voies de la Providence ; le second est dans l’artificiel et le factice. Quant à son attitude religieuse, est-elle normale ? qu’a-t-ellc de cette humilité, de cet abandon filial qui conviennent à la créature devant son Créateur ? Il est vrai que les modernistes, comme beaucoup d’agnosticjues dogmatiques, sont des (idéistes et se targuent par là d’abandon à Dieu : mais il faut honorer Dieu comme il le Acut, et, même dans l’ordre surnaturel, conformément à notre nature raisonnable. Qui fait l’ange, ne fait-il pas la ]jète ?

4" Quant à la contradiction où semble tomber l’agnosticisme dogmatique en aflirmant l’existence de Dieu que par ailleurs il déclare inconnaissable, elle n’est qu’apparente. Il pense Dieu par une dénomination extrinsèque, il le désigne par une périphrase : voilà la connaissance cpi’il aflirme cjuand il déclare croire en Dieu. Par esprit de système, il joint à cette afllrniation une négation, mais qui porte sur un autre objet, ou plutôt sur une autre manière de connaître le même objet. Ce qu’il déclare inconnaissable, quand il prétend c|ue Dieu n’est pas o))jet de science, ce n’est pas Dieu tout court, mais la nature intrinsèque de Dieu.

L’idée de la réalité objective des choses, indépendamment de la représentation que nous pouvons en avoir, est un bien commun à l’humanité, comme l’air que nous respirons. Toute la théorie de la chose en soi déterminée, mais pour nous indétermiuable, de l’objet nouménal, de Kant n’est qu’une application de cette idée. Il en faut dire autant de Spencer quand il conclut que « toutes les choses que nous pouvons connaître sont des manifestations d’un pouvoir qui dépasse infiniment notre connaissance ». Cette notion de la réalité indépendante de Jiotre savoir, nous l’acfjuérons rapidement, parce que, dit S. Thomas, prius est intelligere aliqiiid rjiia/n intelligere se intelligere (de ver it., q. 10, arl. 8). Nam, observe Thomas de Strasbourg, primuni quod a nosiro intelleciu concipitur non potest esse ipse intellectus nec actiis ejiis, sed est aliqiia res extra, realiter differens tam ah intelle^ta qitam ah actu sno. De là vient que, même lorsque nous pensons à nous-mêmes, nous nous olqectivons : ponit differentiam rationis inter seipsuin ut intelligit et lit intelligitiir. D’où il suit que la distinction de rol)jet et du sujet n’est pas en Dieu connue en nous, puisqu’il connaît d’abord son essence. (Augkxtinas, in Sent., i, dist. 6, quant, ad 3, Venetiis, 1564, fol. 45.) La notion aJislraite d’objet une fois acquise, une simple réfiexion sur les deux faits suivants donne à tous la notion de la réalité ol » jective indépendante des opérations de notre activité mentale : i"le fait subjectif de notre passag’e de l’ignorance, au pressentiment, à l’opinion, à la science, au souvenir (cf. S. Thomas, de Verit., quaest. 1, art. 5 subfinem ; voir Yasquez, in I,

Paris, 1905, p. 629 ad calcem) ; 1" le fait objectif de la mutation de certains objets d’expérience et de la permanence de certains autres objets, les premiers étant mieux et autrement connus que les seconds. Cette observation faite, la réalité objective est dite connaissable pour un esprit donné, s’il y a qvielque proportion entre elle et le pouvoir de connaître de cet esprit ; inconnaissable, dans le cas contraire (Encycl. Pascendi, § Equideni Nobis). L’agnosticisnu ; dogmatique, comme d’ailleurs l’agnosticisme pur, fait sienne cette notion de V inconnaissable connuune à presque tontes les philosophies. (Cf. Fouillkk, dans Revue philosophique, oct. 1898 ; voir Seutillanges, Revue thomiste, 18g3, p. 583, et comparer avec La Quinzaine, 1" juin 1905, p. 4 12 sq.) Mais l’agnosticisme dogmatique a ses théories sur notre pouvoir de connaître, sur la science. Pour Kant, connaître, c’est quantifier, qualifier etc. ; pour Hamilton, c’est conditionner ; j)onr Spencer, c’est classifier dans un genre, rattacher à un antécédent, expliquer. En Aerlu de ces définitions arbitrairement étroites, et par suite systématiques au sens péjoratif du terme, il est trop évident que l’absolu et l’Absolu sont hors des atteintes de notre fonction de connaître. C’est donc logicjuement — la cpiestion de droit étant pour l’instant hors de cause — que l’agnosticisme dogmatique les déclare inconnaissal>les. Essayons de faire conqirendre ce mot dans chacun des deux grands courants agnostiques ; le sensualisme cjui dérive toutes nos connaissances de la sensation ; l’idéalisme qui en trouve l’origine dans la pensée même, dans la raison.

D’après Kant, l’objet nouménal est pensé connue déterminé en soi ; mais nous ne pouvons rien dire légitimement de ses déterminations intrinsèques ; impossible de dire, connne Boileau, au sens objectif : J’appelle un chat un chat. Le noumène est pensé comme déterminé en soi, parce que l’on conçoit que si nous avions d’autres formes subjectives que celles que nous avons, nous continuerions à objectiver, à constituer des objets t’ranscendantaux. La réalité ne serait pas affectée par cette opération. On conçoit donc des objets transcendantaux qui ne devraient rien à aucune intuition empiricjue. De tels objets, qui sont les noumènes, sont donc pensés comme déterminés en eux-mêmes ; mais nous ne pouvons porter aucun jugement sur leurs déterminations intrinsèques, sur levir nature intime. Car de l’objet d’expérience nous passons à la chose en soi indéterminée, à l’x, que, cédant à une spontanéité naïve, nous supposons

— dites : nous connaissons — comme la cause de la perception. Mais cet x ne peut être déterminé par nous qu’illégitimement. Nous le déterminons en effet, et constituons ainsi l’objet transcendantal, par l’usage des diverses catégories, substance, cause, etc. Or puisque ces catégories sont des formes subjectives, la détermination de Vx par leur emploi est objectivement illégitime. Maintenant, si l’on accorde que nous ne pouvons connaître que par les catégories

— connaître c’est quantifier, c[ualifier — il suit cjue, bien que l’objet nouménal soit en soi déterminé, nous n’avons aucun moyen de nous représenter valablement et de juger objectivement de la nature de ces déterminations. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de croire à l’objet nouménal ; et si cette croyance s’impose à nous — et c’est le cas pour Dieu, comme postulat de la moralité et condition du bonheur — tout ce que nous en pouvons dire, c’est que nous le pensons nécessairement comme ceci et comme cela, v. g. juste etbon. Mais ces attributs ne sont nécessaires qu’en ce sens qu’il y a pour nous impossibilité de penser Dieu sans eux ; en d’autres termes, ils ne sont nécessaires que pour nous et d’une manière