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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/19

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AGNOSTICISME

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subjective, non o])jectivement et en soi. Sans doute, Dieu est en soi déterminé ; et nous ne pouvons pas le penser autrement — la philosophie spéculative en juf,’ea dilFéremment ; — mais cette nécessité même de le penser ainsi est subjective elle aussi ; de là Fim])ossil)ilité de tout juj^ement objectif sur la nature divine en soi ; les noms de Dieu n’expriment donc que le retentissement de la divinité dans notre àme.

On reconnaît une variété du veriim siibjecth’um

ludendo apitim dont parle l’Encyclique Pascendi, ^Redeanius eniinvero. Oui ou non, Dieu est-il rémunérateur ? Et cet attribut est-il non seulement pensé, mais objecliA ement connu et allirmé, sans chance d’erreur, par nous ? Voir Caiv.soxf., Bein g and uttrihtites of God, London, 1886, p. io5. Cet auteur protestant arjj^umentait déjà comme rEncyclique ; et il concluait ; Si l’on admet la réalité objective du jugement et du juge, il n’y a pas seulement croyance à un au-delà mystérieux, à un quid di^ iii, il y a connaissance, allirmation sur le caractère intime, sur la personnalité de Dieu. Si l’on n’admet pas cette réalité objective, que devient le texte de S. Paul : Credere enim oporlei accedetitem ad Ueiim quia est. et inquirentihiis se reniunerator sit. Ileb., 11, 6 ? Inutile d’insister.

D’après Spkncer, nous pensons positivement la « Réalité ultime « des choses, nuiis nous ne pouA ons rien affirmer de sa natiu-e. hormis le fait brut de son existence. Spencer part de cette constatation qu’il appelle un fait : Nos sciences ramènent tout à la force ou, comme on dit aujourd’hui, à l’énergie. En dernière analyse, la force est ce c[ui résiste à nos efforts volontaires. Comme elle est hors de notre conscience, nous ne pouvons l’identilier ni avec la tension musculaire, ni avec quclqiu^ autre forme du sentiuient. Ainsi nous savons qu’elle existe, sans savoir ce qu’elle est. Cf. Benx, op. cit., t. II, p. 226. A ce premier raisonnement Spencer en joint un second, à l’aide duquel il jjcnse pouvoir réconcilier la Science et la Foi (Premiers p ?-incipes, 1’part., chap. 5, Réconciliation). L’inconnaissable fournit le terrain d’entente. Voici comment. La conclusion de la philosophie religieuse de iNIansel est que Dieu dans sa vraie nature ne peut pas être conçu ; il est vrai que Mansel écrit que « c’est notre devoir de concevoir Dieu comme personnel », § 3 1. « Je n’ai pas besoin de dire, ajoute Spencer, que je ne reconnais pas cette obligation. Si les arguments qui précèdent ont une signiiication, le devoir n’exige de nous ni l’allirmation ni la négation delà personnalité. » Et dans les conclusions du volume, § 191 : « Tandis que le Relativiste réjmdie avec raison les assertions définies de l’Absolutiste touchant l’existence que n’atteint pas la percei )tion, il est en délinitivc contraint de s’unir à lui Miv a llirnier l’existence que n atteint pas la perception. (ietle conscience invincii)lc, où la Religion et la Piiilosoj )]iic donnent la main au sens conunun, est aussi, nous l’avons démontré, celle c|ui sert de base à la Science. « En d’autres termes, la Science n’est possible que si elle regarde les ciiangenu’nls de forme du monde extérieur connue des manifestations de quelque chose qui demeure constant sous toutes les formes, mais dont elle ne sait rien et ne peut rien savoir. La Religion, de son côté, n’est « jue « rapercej)tion indéfinie d’uiu- existence supérieure aux relations définies qui sont l’objet de la Connaissance ». Il est vrai que nous « serons toujours soumis à la nécessité de considérer cette existence dernière comme quelque nuinière d’être, c’est-à-dire de nous la représenter sous quelque forme de pensée, si vague qu’elle soit. Eu obéissant à ce besoin, nous ne nous égarerons j)as, tant (juc nous ne verrons dans les notions que nous formons, que des synd)oles absolument

dénués de ressemblance avec ce qu’ils représentent « , §31. Cf. Maillkt, Création et Proi-idence, Purin, 1897, p. 24 et chap. 3.

Evidemment, il y a beaucoup à redire dans tout cela. I" Dans le premier raisonnement, le point de départ est arbitraire. De ce qu’une branche des sciences ramène tout à la force, suit-il que cela soit vrai de toutes les sciences, de la Science, de tout le savoir humain ? Ensuite, la conclusion ne suit des prémisses, au sens où l’entend l’auteur, qu’autant qii’on suppose que toutes nos idées générales sont d’origine purement empirique et n’ont qu’une valeur de i( correspondance « : deux postulats qui ne sont ni démontrés, ni évidents. Enlin, l’auteur réduit toute notre connaissance de la force à la connaissance qii’aurail d’un objet résistant un homme marchant dans les ténèbres et faisant un heurt subit. Xous savons peu de choses ; mais ne savons-nous que cela ? Et cet homme dans les ténèbres ne penserait-il pas l’objet qu’il a heurté, à l’aide des catégories, soit par perception immédiate, soit par inférence ? Et cette connaissance serait-elle nulle ? Un aveugle peut arriver à penser la hnnière : il en est un qui a écrit un traité d’optique, à l’aide des catégories. 2" La prétendue réconciliation entre la science et la foi est dérisoire, a) Dieu est-il distinct de l’énergie ? Nous lisons dans une hymne du bréviaire : Rerum, Deus, tena.r s’igor, inunotus in te permanens : c’est l’expression de l’immanence divine au sens chrétien ; voir sur ce point touché par l’Encyclique, Scheebex, La dogmatique, Paris, 1880, t. II, n. 361-375. Mais nous distinguons avec netteté, par l’idée de causalité, la substance divine de la réalité du monde : Spencer oublie trop les données fondamentales du problème et il a prêté au reproche de spinozisme. b) II est vrai que Spencer n’identilie pas purement et simplement Dieu et l’énergie, puisque avec quelques Allemands et plusieurs Anglais il fait Dieu « supérieur à la personnalité ». La théorie de la valeur purement symbolicpie de nos connaissances scientifiques aussi bien que r jligieuses lui permet de masquer la contradiction, ! ^ 194. Mais à quel prix ? En refusant à l’homme toute connaissance de la nature intime des choses, ou, si vraiment il distingiu^ Dieu du monde, en sacrifiant la réalité des substances, des causes finies. En refusant à la religion toute connaissance de la nature intime de Dieu : car tel est bien le sens de ce Dieu « supérieur à la personnalité ». On ne veut pas nous accorder le droit de l’affirmer « personnel ». c) Tout ce que nous venons de dire, à propos de Kant, serait ici à répéter avec un a fortiori. Kant par le procédé moral par lequel il essaie de légitimer la croyance en Dieu, par la définition même du noumène, distingue Dieu du monde ; il refuse de le dire objectivement bon^ juste, mais encore est-ce en vertu même de son système ((u’il le jiense nécessairement tel. Chez Spencer, la distinction tic Dieu et du monde est peu nette. Et comnu-nt i)cnse-t-il Dieu ? Suivant le courant d’associations d’idées qui pi’é aut dans l’espèce et qui s’est cristallisé dans son milieu au nu)nu’nt où il écrit : la mécanicpu" sujipose la force sans la définir y^c/- genus et dl/ferentiam, — ce <|ui est iuq)ossible, — la force représentera Dieu. Si du moins on ne vidait pas cette idée de tout contenu métaphysique, causal, on aurait une métapliore, mais enfin il resterait (juelque chose. Non. Le dernier mot des Premiers principes est « Réalité inconnue », c’est-à-dire « existence » que nous ne jiouvons pas faire entrer dans tout « ce corps organisé d’aperceplions définies de relations, que nous apiielons la Connaissance », § 191. lionnes âmes, consolez-vous : L’Absolu est objet de croyance, non (h ; science ; et notre foi va plus loin <pu’nos idées. Car la religion de Spencer est celle de quelques