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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/20

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AGNOSTICISME

pseudo-niystiqiies : « Construire sans fin des idées qui exii,’ent l’effort le plus énergique de nos facultés, et découvrir perpétuellement qiu’ces idées ne sont que de futiles imaginations et qu’il faut les abandonner, telle est la tâche qui. plus que toute autre, nous fait comprendre la grandeur de ce que nous nous efforçons en vain de saisir. » S 31. Tel est l’exercice des dévots de flnconnaissable ; et il y a des chrétiens pour s’y adonner ! et des catholiques qui parlent du sens religieux de Spencer !

Cependant, puisque à côté et au-dessus de la connaissance Kant et Spencer admettent la croyance à une réalilé. qu’ils délinissent en fonctions de leurs propres états mentaux, mais qu’ils tiennent pour indépendante de ces états, nous les entendons : quand un ol)jet peut être pensé de plusieurs manières, ce n’est pas se contredire ([ue dallirmer un de ces modes en niant l’autre. D’ailleurs l’einploi du mot inconnaissable n’a rien qui nous étonne. Rien n’est plus fréquent en théologie et en philosophie que de déclarer inconnaissa ])le, innommable, voire même inconnu, innommé, un objet, quand le mode dont on le connaît ou dont on le nomme, offre quekpie singularité ; ou quand la connaissance réelle que l on en a, est notablement imparfaite relativement à la connaissance qu’en peut avoir un avitre être intelligent, ou le même sujet (hms dilYérents états.

Par exemple. Aristote qui décrit et pense démontrer la « nutière première », nec quid, nec quantum, nec quale etc. la dit inconnaissable : ce qui veut dire simplement qu’elle n’est connue ni par intuition, ni sans relation à la forme, ni par représentation distincte. (Lossada, Curs.philosoph.. Barcinone, 1883, t. 4. P- 138 ; SuAREz, de Anima, lil). [, cap. 6, n. 4 ; S. Thomas, r/e Verit., quaest. 3, art. 5 ; Summa, I, quaest. 15, art. 3. ad 3 ; quaest. 12, art. i, ad 2.) De même en théologie, où l’usage patristique s’est conservé. Ainsi, dans la controverse anomécnne, par rapport à la connaissance compréhensive cpie Dieu a de lui-même, la vision intuitive est appelée une ignorance et l’essence divine est dite inconnaissable et inconnue des bienhevireux et des anges. De même par rapport à la vision intuitive, notre connaissance de Dieu est dite ignorance, ténèlu’es ; et l’on parle, même après la révélation, du Dieu caché, de substance inconnue (de pot., q. ; , art. 2, ad i ; art. 5. ad 14), et de notre union à Dieu, par la grâce, tanquam ignoto. Huand certains modernistes ont fait la trouvaille de ces textes, qui sont compilés dans la série des solutions de dilUcultés verbales qui ornent quelques-uns de nos manuels, ils les ont interprétés comme si la tradition chrétienne avait ignoré ce passage de S. Paul : Quod ergo ignorantes colitis, hoc ego unnunciovobis, Aet., 17, 23. Cependant l’Eglise entière continue à se servir de la notion de l’inconnaissable : pour elle, la connaissance scientilif|uc de Dieu acquise par la seide philosophie n’est qu’ignorance par rapport à la gnose de celui <iui par la foi connaît les mystères de la Trinité et (le l’Incarnation : plus sciant anulae etc. ; et ces mystères, que nous coniuiissons et adorons tous, sont dits inconnaissables sans la révélation. D’ailleurs, le rationalisnu^ alisolu. avec son outrecuidante prétention d’arriver à tout connaître, a été condamné par l’Eglise : le concile du Vatican anatliématise celui qui nierait que la révélation puisse nous apprendre (juchiue cliose : ce qui impli(]ue que certains objets sont eonnaissables par la révélation qui, sans elle, sont simplement inconnaissables, Denzinger, i-^o’i (1550). 1704 (1551), 1808 (iG5.5) ; et le semi-rationalisme de Ehouschammkr, qui prétendait pénétrer le fond des mystères de façon à démontrer, uiu’fois révélés, ces mystères, par les principes de la raison, n’a pas été mieux traité, ibid., 166<j (152ri). 1709

(1556). Révélés, connus de nous, les mystères ne sont pas épuisés, ibid., 1796 (1644). 1816 (1663).

Tel étant l’usage ecclésiastique et scolastique de la notion de l’inconnaissable — on trouvera les discussions philosophiques sur cet être de raison et sur notre façon de le concevoir dansULLOA, Prodroinus, Romae, 171 1, disji. 6, — ce n’est pas sur cette notion elle-même, indépendamment de l’application ciu’on en fait, que peut utilement et loyalement rouler le débat avec l’agnosticisme ; et c’est très adroitement que l’Encyclique Pascendi s’est abstenue de ce procédé de discussion. D’ailleurs, on ne peut acculer (luelqu’un à la contradiction sur l’inconnaissalde que si a) on met en fait l’identité de l’absolu et du relatif, avec les phénoménistes et certains monistes ; xniv supra n. II ; ou bien si l’on suppose b) qu’il n’y a pensée du réel c{ue par l’idée claire des cartésiens, c) ou par intuition ; d) ou enfin que le subjectiv isme de Hume et le criticisme de Renouvier sont la première condition de la philosophie. Mais les quatre Jiypothèses sont erronées ; et la négation de ces hypothèses exclusives est précisément ce cpii distingue l’agnosticisme dogmatique tant du monisme et du phénoménisme que de l’agnosticisme pur. L’argumentation n’est donc ni ad hominem ni ad rei veritateni. Nous ne saurions dans ces conditions la faire nôtre. Il reste que le’point central dudébat. que tout ce qui précède avait principalement pour but de dégager, est le suivant : Que vaut l’usage que fait l’agnosticisme de la notion de l’inconnaissable ? Est-il vrai, comme le prétend l’agnosticisme pvu% que Dieu est à ranger dans la catégorie de l’inconnaissable purement et simplement ? Est-il vrai, comme le soutient l’agnosticisme croyant ou dogmatique, que nous n’avons de Dieu, à l’existence de qui nous croyons, aucune représentation intellectuelle qui nous permette de porter un jugement sur sa nature intrinsèque ? Ces questions nous amènent à la seconde partie de notre travail où nous discuterons l’agnosticisme plutôt dans ses principes et dans ses fondements que dans ses consé-Cfuences. Cette discussion nous fournira l’occasion d’exposer quelques points importants de la doctrine de l’Eglise et de l’Ecole sur la connaissance que nous avons de Dieu ; mais nous nous Ijornerons à ce cpii touche directement à la question agnostique.

DKUXIKMK PARTIK

VI. — L’agnosticisme pur. — Puisque nous avons éliminé l’agnosticisme qui serait tout simplement le monisme ou le phénoménisme, l’incrédulité et l’athéisme, il ne reste fjue trois espèces d’agnostiques que puisse rencontrer l’apologiste : l’agnosticisme pur, l’agnosticisme croyant ou dogmatique, l’agnosticisme larvé ou des modernistes. Commençons par l’agnosticisme pur.

Quelques lignes de Llttré et d’Huxley aideront le lecteur à saisir ce qu’est précisément l’agnosticisme pur. L’athée considère la négation de l’existence de Dieu comme prouvée ; et cette non-existence supposée, il prétend fournir une explication rationnelle de l’univers, v. g. le matérialisme. Or Hixlf.y écrivait en 1874 : « Le prol)lème de la cause dernière de l’existence me paraît tlélinitivement hors de l’étreinte de mes pauvres facultés ; de tout le caquetage sans signilication qu’il m’a été donné de lire, les démonstrations de ceux qui nous parlent tant de la nature divine seraient ce tpi’il y a de [)ire, si elles n’étaient dépassées par les absurclités plus grandes encore des philosophes qui essaient de prouver rpiil n’y a pas de Dieu » ; L’ssars, London. 18y8, t. I, Methods and results, p. 245. LiTTRK avait écrit quelques années plus tôt : « En dépit de cpielques apiiarences, la