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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/211

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BAPTEME DES HERETIQUES

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toutes les allusions au i-escrit pontifical. Mais la distraction qui a laissé subsister, dans un passage unique, le souvenir des relations directes entre Cyprien et Etienne, au sujet du baptême des hérétiques, ne permet pas de supposer qu’au moment où on délibérait ainsi à Carthage, on n’y connaissait pas encore officiellement la pensée du pape. C’est, au contraire, parce qu’on la connaissait très bien, qu’on en lait si soi'^-neuse abstraction dans un document destiné à Rome, et la rareté des allusions au Saint-Siège est la meilleure preuve que nos Actes ne reproduisent pas sans réticences tout ce qui s’est dit dans cette délibération synodale. Cyprien parla le dernier de tous {Sent., 87). Ce fut pour rappeler les idées contenues dans son épître à Jubaïen, et les condenser en cette courte formule : Les hérétiques, appelés par l’Evangile et par les apôtres adversaires du Christ et anléchrists, doivent, lorsqu’ils viennent à l’Eglise, recevoir le baptême de l’Eglise, pour devenir d’adversaires amis, et d’antéchrists chrétiens.

L’unanimité de ce synode et des précédents sur la question baptismale ne permet pas de croire que les évêques attachés à 1 usage romain fussent bien nombreux sur la terre d’Afrique. Peut-être en majorité dans le seul épiscopat de Maurélanie', ils étaient certainement, quant à l’ensemble de l'épiscopat de Maurétanie, de Numidie et de Proconsulaire, en très petite minorité. Encore cette minorité demeure-t-ellc anonyme : pas un prélat connu, que l’on puisse mettre en regard des quatre-vingt-sept noms fournis par les Actes synodaux de septembre 256. Le fait a son importance, pour qui apprécie l'œuvre de ce synode. Si l’on n’avait comme contradicteiu-s qu’un petit nombre de collègues obscurs, ce n'était guère la peine de revenir trois fois en deux ans sur la question baptismale, et d'émettre des jugements si graves, pour déclarer en lin de compte que Ton ne prétendait imposer à personne sa manière de voir ! Il est manifeste que ces professions de- libéralisme, que nous avons rencontrées à la fin de plusieurs lettres de Cyprien, avaient pour but, non de mettre à l’aise des collègues dont l’avis importait peu, mais de se mettre en garde contre les collègues dont l’avis importait beaucoup ; ces collègues dissidents, dont il est question à diverses reprises dans les sull’rages du concile (ainsi Sent., ou : Quidam ; 5g : Quidam de colleg s), n'étaient donc pas les premiers Aenus, ce n'étaient point tels et tels évêques obscurs de Maurétanie ; bien pltitôt les faut-il chercher en Italie et d’abord à Rome ; la controverse ouvei’te avec Rome était la véritable raison d'être de tout ce mouvement conciliaire, qui tient de là toute sa signification.

Le nom de concile d’opposition contre Home, donné parfois à l’assemblée du i<"' scptendjre, est donc justifié, au moins dans une certaine mesure. Gardonsnous seulement d’exagérer le caractère et la portée de cette opposition. Dans la pensée de Cyprien et de ceux qui l’ont suivi, il ne s’agissait en aucune façon de provocpier Rome, et s’il n’est pas permis de voir dans cette délibération unenuinifestation|)latoni([uc, encore moins y peut-on voir une déclaration de guerre. On adiruiait à nom eau sa conviction, parce que l’on n’en comprenait pas d’autre, et parce que l’on croyait à un malentendu qui ne pouvait pas durer ; quant à l’hypothèse d’une rupture, on ne l’envisageait sans doute qu’avec angoisse, espérant de la Providence la solution d’un conflit qui pouvait sembler hunuiinement sans issue.

1. Benson, qui a « Hudii avec beaucoup de soin les listes f'-piscopiiles renfermées dans les écrits de saint Cyprien, ne trouve que doux ou trois |)rélals de Maurétanie au synode carthaginois de septembre 256. — Cyprian, etc., |>. 365, 607.

Cependant l’activité de Cyprien ne se renfermait pas dans l’enceinte d’un synode. En même temps qu’il travaillait, contre toute espérance, à jeter les bases d’une entente directe avec Rome, il tournait les yeux vers l’Orient, pour y trouver des auxiliaires. Denys d’Alexandrie prenait bien froidement, à sou gré, la querelle baptismale ; si, comme on peut croire, quelque échange de vues se produisit alors entre Carthageet Alexandrie, il ne s’ensuivit pas d’alliance elïective. L’Asie Mineure offrait à Cyprien un point d’appui plus ferme. Il ne pouvait ignorer que, depuis longtemps déjà, en Cilicie, en Cappadoce, en Galatie, et ailleurs, nombre d’Eglises rebaptisaient les hérétiques ; à Rome, certainement, on ne l’ignorait pas, et, nous le verrons, le j^ape se préoccupait de ce mouvement qui enti-aînait hors des voies traditionnelles l’Asie avec l’Afrique. Au premier rang des évêques notoirement hostiles au baptême des hérétiques, se distinguait Firmilien de Césarée. Elevé depuis un quart de siècle sur le premier siège de Cappadoce (Eusèbe, Hist. Eccl., VI, xxvi, xxvii ; VII, v), disciple enthousiaste d’Origène qu’il avait visité en Palestine et attiré à Césarée, théologien de marque, écrivain fécond, homme d’entreprise et d’autorité, Firmilien était, comme dit l’archevêque Rexson (Cyprian, his life, liis finies liis work, p. 3^5), l’esprit « le plus choragique h des Eglises orientales. Après avoir été l'àme de la résistance au schisme novatien, il allait se trouver, dans les synodes d’Antioche, le juge le plus qualifié de Paul de Samosate. S’il existait au monde une influence capable d’amener le pape à (onq)ter avec le parti anabaptiste, c'était celle de Firmilien. Mais les communications avec la Cappadoce offraient de grandes diflicullés. Avant de recourir à ce moyen extrême, Cyprien attendit probablement l’issue de la légation qui devait présenter au pape la délibération du i '" septembre 256. L’issue ayant ruiné toutes ses espérances, il n hésita plus, et fit partir pour l’Orient le diacre Rogatien, porteur de lettres pressantes pour l'évêque de Césarée.

Nous sonmies mal renseignés sur l’accueil fait par le pape à la légation du troisième concile baptismal ; mais il ne^^t guère douteux qu’il ne faille rapporter à cette circonstance les faits consignés dans la lettre de Firmilien. Non content de refuser sa porte aux délégués, le pape aurait interdit aux fidèles résidant à Ronu^ de les recevoir dans leurs maisons. Une telle rigueur ne peut se comprendre qu’après une résistance prolongée, de la part d’un supérieur qui attend une soiunission pure et simple. Si pareille chose se fût produite à 1 occasion du concile précédent, et à la réception de la lettre lxxii, les relations entre Rome et Cartilage auraient été d’ores et déjà rompues, et on ne s’expliquerait plus le cours ultérieur des événements ' ; aussi avons-nous cru devoir placer après l'échec de la légation le départ du diacre Rogatien.

1. Reconnaissons que tout le monde n’est pas de cet avis. De Smedt, Dissertaiianes in primant aetatem iiistoriæ ecrlesiasticae, p. 232 et seq., après Makan et Pagi, a admis que la légation africaine éconduile par Etienne était charg.'ç de VEp. LXXii ; mais il confond le premier et le second synode baptismal. Bensok, op. cit., p. 352 et seq., a repris cette opinion, avec quelques retouches. — Nelke, qui I apporte au l" septembre 2ô6 le synode des quatrevingt-sept évoques, imagine, p. 105 et seq., un synode intermédiaire entre notre second et notre troisième synode : la légation aurait porti- à Rome les résolutions de ce synode iritoiinédiaire. Mais, outre que la date assignée est invraisemblable, le texte sur lequel il s’appuie (5f « /. episcop.. proocin. : Censens quod scriiel ait/uc ilerum et sæpc censiiimus) ne désigne pas nécessairement des décisions synodales, et rien n’autorise à multiplier ainsi les synodes.