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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/232

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CANON CATHOLIQUE

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lus dans les éjïlises, tandis qu"à Alexandrie ils ne servaient qu’à l’instruction des catéchumènes. Aucun Père latin n’a été plus défavorable aux deutérocanoniques que saint Jérôme. Il se rattache très étroitement à l’Orient par ses études exégétiques et ses relations. Il a été un disciple fervent d’Origène et a travaillé à traduire en latin la ^’critas hebraica. Par attachement à la Bible hébraïque, il était naturellement porté à moins apprécier les livres deutérocanoniques. Dans son Prolugus ^rt/pa/j<s, écrit vers 3gi, P. L., t. XXYIII, col. 12^2, l’i^S, il déclare catégoriquement que ces livres non sunf in canune. Dans sa Præfatio in libros Salomonis, qui est de 898, P. L., t. XXYII, col. lioli, il dit que « l’Eglise les lit pour l’édification du peuple, non pour la confirmation des dogmes ecclésiastiques h. Il ne parle donc pas seulement du canon des Juifs. Il estime peu les fragments deutérocanoniquesd’Esther, /’rae/"fl//o in £sther, P. Z., t. XXVIII, col. 1433 sq., et les parties grecques de Daniel, In Ban., prol., P. L., t. XXV, col. 492, 493, auxquelles il ne reconnaît aucune autorité scriplvu-aire. Præf. in Dan.. P. /.., t. XXVIII. col. 1294. Il cite Tobie,

« bien qu’il ne soit pas dans le canon, mais parce

qu’il est employé par les auteurs ecclésiastiques », In Jon., P. L., t. XXV, col. 1119 ; Judith. « si toutefois quelqu’un veut recevoir le livre de cette femme », In Agg., ibid., col. 1394 ; la Sagesse, avec une restriction analogue. In Zach., ibid., col. 1465, 1513 ; Dial. adv. Pelag., i, 33, P. L., t. XXIII, col. 527. Quand il se montre plus favorable à ces deux livres, c’est pour faire plaisir à deux évêques occidentaux. Piæf. in lib. Tobiae, P. L., t. XXIX, col. 23-26 ; Præf. in Judith, ibid., col. 3^-40. Il refuse de commenter Baruch et la lettre « pseudépigraphe » de Jérémie. In Jer., prol., P. L., t. XXIV, col. 680.

Mais, en pratique, ces écrivains de l’Eglise d’Occident, comme ceux de l’Orient qui étaient défavorables aux deutérocanoniques, oublient leurs déclarations de principes. Tous, dans leurs œuvres dogmatiques, se servent, même pour démontrer les vérités de la foi, de textes empruntés à ces livres. Ils citent ces textes conjointement avec ceux des protocanoniques et sous les mêuies formules : « Il est écrit, Dieu dit dans l’Ecriture ; le Saint-Esprit dit. etc. » Ainsi font saint HiLAiRE de Poitiers et Rufix. Saint Jérôme lui-même, si intransigeant en théorie, cite souvent tous les deutérocanoniques, en particulier contre les pélagiens. Une fois même, il range Esther et Judith avec Ruth parmi les volumes « sacrés ». Epist., lxv, ad Princip., i, P. /,., t. XXII, col. 628. Il se conforme à l’opinion générale. Quand Rufin eut défendu contre lui les fragments de Daniel et d’Esther, Apol., 11, 33. P. L., t. XXI, col. 612, il avoua, pour s’excuser, cjue, sur ce point, il n’avait pas exprimé son sentiment personnel, mais exposé ce que disaient les Juifs. Àpol. cont. Rufin., 11, 33, P. L., t. XXIII, col. 455. Ces Pères seraient-ils donc en contradiction avec eux-mêmes ? Les théologiens catholiques pensent que ces Pères, lorsqu’ils sont défavorables aux deutérocanoniques, ne leur refusent pas l’autorité divine d’une manière absolue, mais seulement d’une manière relative, c’est-à-dire vis-à-vis de ceux cp^ii n’acceptent pas ces livres comme inspirés ; ou bien, qu’ils les excluent du canon des livres destinés aux fidèles, les réservant pour l’édification des catéchumènes, sans pour cela leur attribuer une moindre valeur. Tel est le sentiment du cardinal Fraxzelin, Tractât us de divina Traditione et Scriptura, 3’édit., Rome, 1882, p. 454-472, et du P. Corxely, Introductio generalis, 2’édit., Paris. 1894, p. 98-120. Le P. Corluy, dans la i" édition de ce Dictionnaire, col. 36g-3yo, donnait une autre solution. Il distinguait, dans chacun de ces Pères opposants,

« comme un double personnage ou deux états psycho

logiques. Dans leurs œuvres dogmatiques, ils se présentent comme témoins de la foi et suivent sans arrière-pensée le torrent de la tradition, ou. du moins, ils n’estiment pas leurs dillicultés scientifiques suflisamment prépondérantes pour leur faire abandonner l’usage traditionnel. Soccupent-ils, au contraire, ex professo, de la question du canon, ils envisagent cette question plutôt comme savants et inclinent, par la considération des arguments scientiliques, à l’exclusion des deutérocanoniques, prêts sans doute à abandonner leur décision devant une décision contraire de l’Eglise, décision que l’Eglise n’avait pas encore rendue jusqu’alors, ou que, du moins, elle n’avait pas promulguée ».

D’ailleurs, la tradition explicite del’Eglise en faveur de l’origine divine des deutérocanoniques persévérait en Occident aussi bien qu’en Orient. Lucifer de Cagliari cite la Sagesse comme œuvre inspirée de Saloiiion. Pro Athanaaio, P. L., t. XIII, col. 858, 860, 862. Saint Ambroise, à Milan, cite les deutérocanoniques au même titre que les protocanoniques. L’Eglise d’Afrique se prononce résolument en leur faveur. Le canon stichométrique des Livres saints, que Momm-SEX a découvert dans un manuscrit de Cheltenham, <[ui est d’origine africaine et qui date de 35g, est complet. Preuschex, Analecta, Fribourg-en-Brisgau, 1898, p. 1 38-1 39. Les conciles d’Hippone (893) et de Carthage (897 et 419). Mansi, Concil., t. III, col. 8g6, 924 ; t. IV, col. 430 ; saint Augcstin, /)e doctrina ckristiana, II, 8, 13, P. L., t. XXXIV, col. l, admettent les deutérocanoniques. L’Eglise romaine fait de même, témoin le décret De recipiendis et non recipiendis libris, dont la première partie, c’est-à-dire le canon des Ecritures, est attribuée au pape saint Damase (366-384), Preuschex, op. cit., p. 147-148, et la lettre d’IxxocEXT I" à Exupère de Toulouse (405). Mansi, Concil., t. IL col. io40-io41. Les artistes chrétiens qui, pendant les trois premiers siècles, n’ont rien emjirunté aux apocryplies, ont pris leurs sujets indistinctement dans les livres protocanoniques et deutérocanoniques. L’histoire de Susanne est représentée à la Capella græca. Toutes les parties deutérocanonicjues du livre de Daniel ont inspiré ces artistes, aussi l)ien que le livre de Tobie. On continuait à les lire dans les olVices liturgiques. Il n’y a donc jamais eu dans la tradition ecclésiastique interruption comjilète ; il y a eu seulement, dans quelques Eglises particulières, obscurcissement ou déviation, qui s’expliquent par des circonstances locales, mais qui sont amplement compensés par la continuation de la lecture publique de ces livres et par la tradition de l’Eglise romaine.

b) Du ve au xvie siècle. — Durant cette période, les doutes à l’égard des deutérocanonicjues tendent de plus en plus à disparaître en Orient, tandis qu’ils persistent en Occident, atténués progressivement el appuyés presque exclusivement sur l’autorité de saint JÉRÔME. En Orient, Léonce de Byzaxce, saint Jea ? Damascèxe, la Stichométrie ajoutée à la Chronographie de saint Nicéphore, la Srnopse de l’Ecriture attribuée à saint Athanase. ne reconnaissent dan l’Ancien Testament que 22 livres. Le concile in Trull (6g2) reconnaît le concile de Carthage à côté di 85’canon apostolique et du concile de Laodicée, e ; | même temps que les listes de saint Athanase, d < saint Grégoire de Nazianze et de saint Amphiloqut PiioTius accepte les mêmes canons. Tandis c^ue Ari TÈNE. Arsène, Balsamon et Mathieu Blastarès s’e tiennent au canon des apôtres, Zonaras le concil avec les autres documents groupés par le concile : Trullo. Cette conciliation introduit de plus en pli dans l’Eglise grecque l’usage universel des livr’deutérocanoniques. D’ailleurs, saint André de Crèt