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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/246

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CATACOMBES


les seuls témoins des sentiments et des croyances des premiers chrétiens. D’innombrables fresques, peintes sur des stucs plus ou moins blancs et fins, selon les époques, ornent les jjarois de beaucoup de leurs chambres et même de leurs galeries.

Dans les plus anciens hypogées, les ijeinlures chrétiennes se distinguent à peine des œuvres de l’art païen. C’est le même style classique, la même exécution sommaire, d’un pinceau libre et facile. Petits génies voltigeant au milieu des vignes. Psychés, paysages, scènes pastorales, motifs d’architecture, hippocampes, oiseaux, fruits ou fleurs, tels sont les niotifs représentés à la fin du ie siècle ou au commencement du second dans le cimetière de Domitille. Mais, pour les initiés, quelques figures d’une signification nouvelle, jetées au milieu de cette décoration tout antique, en viennent indiquer le caractère chrétien : Daniel dans la fosse aux lions. Bon Pasteur. Pendant le cours du ii*e siècle, le style demeure le même, les plafonds en particulier, au milieu desquels se voit ordinairement le Bon Pasteur, sont pour le reste de goût pompéien ; mais les peintres s’enhardissent, et sur les murailles les sujets dcviennent plus clairement chrétiens. Ainsi, dans une chambre de la crypte du Lucine, appartenant à la première moitié du IIe siècle, est peint le baptême de Jésus-Christ ; contre la paroi d’un lociihis du même temps, au cimetière de Priscille, Marie tenant l’enfant, pendant qu’Isaïe montre du doigt l'étoile du Messie ; en d’autres chapelles de lamème catacombe, Moïse frappant le rocher, les trois enfants hébreux dans la fournaise, l’histoire de Jonas, la résurrection de Lazare ; dans une chambre du cimetière de Prétextât, l’hémorroïsse guérie, la Samaritaine, peut-être le couronnement d'épines. Une suite d’admirables peintures, dans une très ancienne chambre du cimetière de Priscille, où l’on a reconnu, sans une certitude absolue, l’histoire de Suzanne, montre déjà des hgures dans l’attitude de chrétiens priant les bras étendus, orantes.

Après le commencement du iiie siècle, l’art chrétien se développe, en même temps que le style s’alourdit. Le symbolisme devient plus riche et plus compliqué. Cette tendance nouvelle est surtout visible dans l’hypogée qui venait d'être donné à l’Eglise par les CæciIii, etquidevintson premier cimctièreoffîciel. Là, Calliste, encore archidiacre, et chargé de l’administration de ce cimetière que les archidiacres continuèrent à régir après lui, fit peindre dans une suite de chambres l’image ou le symbole de plusieurs sacrements. Le baptême est symbolisé par des sujets qui s’enchaînent l’un à l’autre : Moïse frappe le rocher, dans l’eau qui en dccouleun pêcheur capture un poisson, un enfant est baptisé dans la même eau d’où le poisson a été tiré. Plus loin, le paralytique guéri emporte son grabat, emblème des effets soit du baptême, soit de la pénitence. L’eucharistie est représentée par de claires et ingénieuses figures. Sur la muraille paraît d’abord un trépied, où sont posés un pain et un poisson. On sait que le poisson fut pris par toute l’antiquité chrétienne comme le symbole arcane du Christ, à cause de l’anagranuiie formé par les cinq lettres du mot grecIXQrS, poisson, lesquelles commencent les mots, '/îtsO ; X^jtto ; 6co j Ylii 'Lur-Ap, Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur. Un homme étend la main au-dessus du trépied, comme pour consacrer ; une femme, debout, les bras ouverts en orante, personnifie vraisemblablement l’Eglise s’unissant par la prière à l’acte du prêtre. A la suite de cette fresque est peint le repas mystérieux qui fut offert par le Christ ressuscité à sept disciples, devant lesquels sont posés des plats contenant des poissons, et rangées plusieurs corbeilles de pains : ce dernier détail rappelle un autre miracle, d’une signification facilement

eucharistique, celui de la multiplication des pains. Enfin, une troisième fresque fait allusion au sacrifice d’Abraham, considéré comme type du sacrifice sanglant offert par le Christ sur la croix, et du sacrifice non sanglant qu’il offre tous les jours sur nos autels. Dans une autre des chambres décorées au temps de Calliste, apparaissent, près de la voûte, un trépied portant cette fois encore des pains et un poisson, et de chaque côté les corbeilles des pains multipliés ; mais aucun prêtre n’est plus là pour consacrer : on (lirait le Saint-Sacrement exposé sur l’autel à la vénération de tous. Cette représentation est unique ; au contraire, le repas des sept disciples, emblème de l’eucharistie consommée parles fidèles, cstpeint quatre fois dans la même suite de chambres du cimetière de Calliste.

Les symboles eucharistiques se présentent, d’ailleurs, sous toutes les formes dans les catacombes : ils s’y voient longtemps avant le lue siècle. Dans une chambre de la crypte de Lucine, remontant à la première moitié du second, sont figurés deux poissons auprès d’une corbeille qui contient un vase de vin et cinq pains. Dans la même chambre est représenté un cippe ou autel champêtre, sur lequel repose le vase mystique de lait : dans le langage des Pères de l’Eglise, comme dans les Actes des martyrs, le lait était pris pour le symbole de la nourriture eucharisti<p^ie. Aussi le vase de lait paraît-il souvent à la main du Bon Pasteur dans les fresques des catacombes. Dans une chambre de la crypte de Domitille, datant de la fin du ne siècle ou du commencement du iii<e siècle, on a trouvé, deux fois représenté, un bélier contre le flanc duquel s’appuie une houlette : à la houlette est appendu le vase de lait.

Les scènes de repas peintes dans les catacombes ne sont pas toutes des symboles eucharistiques. Plusieurs se rapportent à ce sacrement : les quatre du cimetière de Calliste, une scène analogue dans celui de Sainte-Agnès, la fresque célèbre du cimetière de Priscille, connue sous le nom de fraciio panis, dans laquelle, devant sept convives, le prêtre rompt le pain consacré, tandis que sur la table est posé un calice à deux anses, qui nous fait connaître la forme des coupes eucharistiques au iie siècle. D’autres représentations de festins sont, au jugement de M. de Rossi, des images allégoriques de la félicité des élus : l’une, du i'"" ou iie siècle, se trouve dans le grand corridor du cimetière de Domitille ; une autre, de la seconde moitié du iiie siècle, est au cimetière Ostrien, faisant pendant aux cinq vierges sages de la parabole évangélique ; six, du même temps, ornent le cimetière des Saints Marcellin et Pierre. Dans ces dernières (ou du moins dans les quatre encore reconnaissables) deux femmes, Agape, l’amour, et Irène, la paix, sont chargées de verser l’eau et le vin dans la coupe des bienheureux : devant eux est placé un seul aliment, le poisson mystique, qui, après les avoir nourris ici-bas, les nourrira dans l'éternité.

Des épisodes de la Bible, en petit nombre, sont représentés dans les catacombes. Le choix restreint des sujets, et la fréquence des reproductions, montrent qu’ils offraient aux premiers fidèles une signification symbolique. Ainsi, Daniel dans la fosse aux lions, qu’on trouve dès la fin du ie siècle ou le commencement du second dans le grand corridor de Domitille, et qui reparaît dans les fresques de toutes les époques, fait certainement allusion au martyre chrétien. De même l’image des trois enfants hébreux dans la fournaise, si souvent répétée depuis le ii'e siècle. L’histoire, plusieurs fois reproduite, de Suzanne et des vieillards, une fois même peinte allégoriquement sous les figures d’une brebis, avec le mot svSAXXA, et de deux loups, avec le mot seniores, sym-