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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/265

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CHINE

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aliments offerts à d’autres, et punissent leiu-s descendants négligents… En 689, premier cas certain de suttéisrae, hommes, chevaux et chars envoyés dans l’autre monde avec leur maître défunt… Des hommes se tuent, pour aller porter une nouvelle aux morts… En 535, fait capital, affirmation de la duplicité de l’àme humaine. L’ànie inférieure, p’ai, qui anime le corps et dirige les opérations végétatives, est issue du sperme qui a donné naissance à l’embryon. Après la naissance, l’àme supérieure, hoen, est formée peu à peu, par condensation intérieure de l’air respiré. A la mort, l’àme inférieure suit le cadavre dans la tombe, où elle unit par s’éteindre. L’àme supérieure ne s’éteint pas. Après sa séparation d’avec le corps, elle est d’autant plus transcendante, plus capable, qu’elle a mieux mangé et plus appris durant la vie. Si les descendants lui font les offrandes rituelles, elle se tiendra tranquille. Sinon, elle les molestera… Ce texte est resté classique jusqu’à nos jours. Nous verrons que les philosophes Song le modifièrent, mais en mal, pas en bien. — Divination et sorcellerie, comme durant la période précédente. Les sorciers servent de médiums entre les vivants et les défunts. La croyance aux songes s’accentue. — D’où provinrent les adultérations de cette période, surtout la dernière, la plus grave, la distinction de deux âmes ? De l’introduction du dualisme, de la théorie philosophique j/ « et r « "^, deux principes contraires, évolution circulaire continue, l’un portant en soi le germe de l’autre, l’apogée de l’un appelant sa ruine par l’autre. Le premier texte, qui expose le système, peut remonter à l’an 816. Le dualisme abstrait trouva dans le couple ciel et terre sa formule concrète, binôme dont nous verrons les Taoïstes tirer monts et merveilles. .. Cette forme de chthonisme fut-elle autochtone ? Il est bien plus probable qu’elle vint de l’Inde. Echos avestiques et védiques.

V. Fin des Tcheou. Lao-tse et Confucius. — La version actuellement la plus commune, quoiqu’elle soit plutôt légendaire qu’historique (voyez Chixe (Sages DE la), Lao-tse), fait de ces deux hommes des contemporains. Lao-tse Unissait, quand Confucius débutait. Ils se virent et ne se comprirent pas. Cela devait être, car leurs vues étaient diamétralement opposées. Les critiques chinois modernes les ont admirablement résumées en ce peu de mots : « Les anciennes croyances et institutions n’étaient plus qu’une ruine. Lao-tse voulut la déblayer, faire place nette. Confucius voulut la restaurer, tout reconstruire. Lao-tse s’éleva dans les nuages, Confucius s’aplatit contre terre. »

I. Système de Lao-tse. — Lao-tse fut un philosophe. Il spécula sur l’origine des choses. Ses spéculations démolirent la religion antique. Son système est une sorte de panthéisme. Il distingua tao, le principe primordial, le tout, l’unité, force évoluant en deux périodes yin et yan^, progression et régression ; et k’i, le souffle pi-imordial, matière subtile, le substratum des évolutions, des progressions et des régressions. Le principe n’eut pas de principe. Il fut toujours, et de lui-même. Il fut avant le Souverain (le Sublime Souverain, le Dieu de la religion primitive, laquelle se trouve rejetée en bloc par cette unique assertion). Il produit tous les êtres. « L’espace médian entre le ciel et la terre est semblable au sac d’un immense soufflet, dont le ciel et la terre seraient les deux phinches. De lui émanent tous les êtres. Ils sont produits par l’aclion du principe sur le souffle. Le principe est au souffle, ce que le mâle est à la femelle. Du principe uni au souffle sont issus le ciel

et la terre, tous les êtres. » Ces êtres paraissent et s’agitent pour un peu de temps sur la scène du monde, puis vont se cacher et se reposer dans de mystérieuses coulisses. La vie n’est rien, ce qui la suit est tout. Attendre en paix le repos stable d’outre-tombe, voilà la sagesse ; se démener dans la vie pour arriver à quelque chose, c’est folie. — De ces principes théoriques découlent les applications pratiques suivantes, quiétude, abstention, laisser la roue tourner. Rien ne profite, rien ne dure, alors à quoi bon s’agiter et peiner ? Voir, ouir, goûter, désirer, autant d’illusions ; sage est celui qui les méprise et qui remplit son ventre. Au lieu d’apprendre, il faut se vider. Agir, contrarie le cours naturel des choses. Pas de lois, pas de règles ! Suivre l’instinct inné, voilà la voie. Les gouvernants doivent appliquer ces principes au peuple. Ils doivent isoler leurs sujets, pour pouvoir les tenir dans l’ignorance la plus absolue. Ils doivent éteindre en eux toute ambition, tout désir. « Videz les têtes et remplissez les ventres, débilitez les esprits et fortifiez les os ! » Instruire le peuple, c’est ruiner l’Etat… Ajoutons que Lao-tse maudit la guerre, avec une très grande énergie. — L’ensemble de ces principes, qu’on a appelé Taoïsme, a eu sur la Chine une influence prodigieuse. De là ces innombrables politiciens, qui prônèrent ce principe unique, que nourrir le peuple doit être le seul souci, parce que « quand son ventre est plein, le peuple est sage ». De là le système gouvernemental de l’abstention et de l’expectative, appliqué jusqu’à nos jours : « laisser leur libre cours à toutes choses, n’intervenir qvie par nécessité et à regret, mettre le doigt le plus rarement possible dans l’engrenage ciel et terre, de peur de déranger son fonctionnement normal ». De là enfin l’horreur de la guerre, et le mépris du métier des ai-mes. — Il me reste à citer un texte, qui fut aussi gros de conséquences. Il fait suite à la comparaison du soufflet universel. « L’homme peut arriver à ce que le principe vital contenu dans le sperme qui lui a donné naissance, survive à la séparation d’avec le corps, à la mort. Il peut, en nourrissant ce principe vital par une respiration douce et réglée, combiner l’air avec le sperme, et concevoir en soi, comme la poule conçoit son œuf, l’embryon de son être futur. » Cet embryon, les interprètes le décrivent, et les images le représentent, comme un enfançon nimbé d’une gloire. Il doit arriver à peser sept onces, pour être viable. A la mort, il transmigre dans l’autre monde. Le cadavre, qui reste, est un vêtement ôté, une défroque usée… Voilà l’origine de l’étrange gymnastique respiratoire dite kong-fou, par laquelle tant de Chinois travaillent encore à se procurer l’immortalité.

2. Système de Confucius. — Confucius fut un politique. Non seulement il ne spécula sur rien, mais il réprouva toute spéculation abstraite, toute recherche transcendante. Pas même de morale théorique. Chez lui tout est concret, tout vise à la formation de gouvernants pratiques et de gouvernés dociles. Le grand objectif de Confucius, fut de réformer les abus administratifs des princes féodaux de son temps, et les superstitions introduites depuis la décadence des Tcheou. Il pensa comme les anciens, et crut comme eux ; à preuve, c’est lui qui nous a conservé tout ce qui nous reste d’eux. Comme eux il crut au Ciel, au Sublime Souverain, à une Providence, et il prouva sa foi par ses paroles et par ses actes. Comme eux il crut à la divination, et cultiva les Mutations, pour apprendre à connaître la t’o/c du Ciel. Comme eux il crut fermement à la survivance de l’àme humaine, mais resta absolument muet sur les sanctions d’outre-tombe. Comme eux il crut aux chen, et prêcha

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