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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/266

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CHINE

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leur omniprésence, pour obtenir que les hommes se conduisissent bien, en tout temps et en tout lieu. Il connut et ne contredit pas le dualisme d’introduction récente. Il crut aux mânes, et insista énergiquement sur leur culte, qu’il interpréta raisonnal)lement. Réagissant directement contre la multiplication des superstitions, il voulut que le culte se bornât strictement aux pratiques anciennes, et fût plutôt respectueux qu’ïiimant. Sa morale, Confucius l’a résumée lui-même en ces deux mots : loyauté et bénignité. Au peuple, il veut aussi qu’on procure d’abord le bien-être ; mais l’élevage quasi bestial de Lao-tse ne lui suffît pas. Il exige que les gouvernants fassent instruire le peuple ; mais seulement de ses devoirs, des choses qui peuvent lui être utiles ; et cet enseignement doit être tout positif et pratique, réduit en maximes, sans accompagnement de raisons que le peuple ne saurait comprendre. Il faut surtout préserver le peuple de tout enseignement hétérodoxe, le plus dangereux des fléaux… Confucius détesta les armes et la guerre, presque autant que Lao-tse… Tout cela paraît très simple, et pas bien neuf. Où donc est le Confucianisme i’il git dans les deux principes suivants : constitution familiale, opportunisme au joiu ? le jour… On sait avec quelle intensité, avec quelle exagération voulue, Confucius a insisté siu" la piété filiale, bonté des parents pour leiu-s enfants, dévotion des enfants à leurs parents. C’est que, pour lui, la famille était la molécule type. La principauté, l’Etat, agrégations de molécules, devaient vivre et fonctionner à l’instar. En expliquant les lois de la famille, Confucius entendait édicter les lois de l’Etat. Le rêve de sa Aie, utopie irréalisable, fut que tout revint au temps où les hommes, encore en petit nombre, A-ivaient sous le régime patriarcal. Il ne se douta pas que, pour les grandes agglomérations, ce doux régime ne suffit pas… Pour ce qui est de l’opportunisme, c’est la A-raie marque du Confucianiste, la devise de l’école. « L’opportunisme est le trait distinctif du Sage. Excès et défaut, sont deux A-ices également nuisibles. Tout plan préconçu, totlt parti pris d’aA’ance, est un grand mal. Il faut suivre en tout une voie moyenne, marcher sans intention déterminée, ne rien embrasser avcc passion, ne rien repousser par antipathie, faire ce qui couvient le mieux pour le moment, dans le cas donné, au fiu- et à mesure. Peu d’iiommes atteignent cet idéal, peu s’y maintiennent durant un mois entier. » Ces paroles du Maître, amplifiées par ses disciples, surtout par son petit-fils TsE-SE, ont fait la Gliine confucianiste, la Chine des Lettrés. Pas d’idéal, pas de plan, pas de programme ; ni patriotisme, ni politique, ni amour, ni haine. Depuis 25 siècles, gouvernement et peuple

« passent les jours » comme on dit en ce pays. Ils se

courbent dans l’adA’ersité, se redressent dans la prospérité, s’en tirent toujours. On ne peut comparer cet état, ni à un char, ni à un A^aisseau. Un bouchon flottant sur l’eau à l’aventiu-e, est ce à quoi il ressemble le plus. Quand la vague passe, il plonge ; quand elle a passé, il émerge. Croyez l’article Chine (Sages de la), Confucius.)

Lao-tse et Confucius eurent des disciples. La filiation des disciples de Lao-tse est moins connue, celle des disciples de Confucius l’est davantage. Les disciples déA-eloppèrent les idées de leurs maîtres. De là le Taoïsme et le Confucianisme, doctrines qu’il faut se garder d’appeler des religions, vu que ce furent des politiques assises sur quelque peu de philosophie naturelle, l’une niant Dieu, l’autre le négligeant. — Les Taoïstes, surtout, Lie-tse et Tchoang-tse, au ive siècle, exposèrent la doctrine de Lao-tse dans un style magnifique, mais sans rien ajouter au fond. Les Confucianistes Tseng-tse, Tse-se, surtout Mong-tse

Aulgo Mexcius, rendirent, du a’au m’siècle, le même service à la doctrine de Confucius.

A la fin du a^ siècle et au commencement du ia<= siècle, A’écurent deux philosophes qu’il faut connaître. Ya>g-tchou qui prêcha l’égoïsme et le séparatisme systématiques, et Mei-ti qui i^rêcha l’altruisme uni-A-ersel et la fusion des peuples. Le premier fut immédiatement traité en ennemi par les Confucianistes, dont la dcvise est bénignité. Le second fut d’abord traité par eux en ami. Mais dès la fin du ia’* siècle, la Jjénignité confucéenne devcnant de plus en plus chose froide et pharisaïque, les Confucianistes commencèrent à se moquer de la charité chaude et déA-ouée de Mei-ti. Leuxs descendants, les Lettrés de nos jours, ont appelé Mei-ti le Jésus de la Chine, et traitent les chrétiens de sectateurs de Mei-tse. Mei-ti lutta aussi avec énergie pour la foi en la Providence et en la surA’ivance. C’est la plus noble figure de la galerie des philosophes chinois… Citons encore Siun-k’oang qui Aécut au m’siècle. Plutôt sti-atégiste que philosophe, il fut pourtant le père d’une théorie qui fit du bruit. Il déclara l’homme foncièrement mauA’ais, et toutes ses œuA-res essentiellement aIcieuses. La morale est chose purement couA-entionnelle, tout extérieure ; une sorte de corset lacé sur la nature, qui fixe l’homme dans une attitude forcée qu’on appelle le bien.

VI. Sous les T’sin, destruction des anciennes archives. — En l’an 2 1 3 avant J.-C, Tcheng de T’sin, le destructeur des Tcheou et le conquérant de l’empire, deA’enu l’empereiu’Che-hoang-ti, fit brûler tous les anciens écrits, annales, rituels, chants, chroniques, registres, et tout spécialement les anthologies compilées par Confucius poiu* ses disciples. Deux motifs expliquent cet acte barbare. D’abord l’empereur était la dupe des Taoïstes. Puis les Confucianistes prouvaient par leurs livres, que ses lois étaient des innoA ations contraires à l’antiquité. L’empereur brûla les bibliothèques pour faire oublier l’antiquité. Il y réussit assez bien. Il ne nous reste, en fait de moniunents anciens authentiques, que fort peu de chose. Au point de Aue chronologique, historique, statistique, la perte est immense. L’est-elle autant, au point de vue religieux et philosophique ? C’est douteux. En fait d’idées, ’les livres modernes, très a’oIumineux, contiennent peu de chose. En fut-il autrement dans l’antiquité ? On peut penser que, dans ce qui est par A-enu jusqu’à nous, nous aA-ons l’essentiel.

VII. Sous les Han. Taoïsme magique, alchimique, diététique, politique. — Cette période s’étend pratiquement de l’an 213 aA^ant J.-C. à l’an 300 après J.-C. Trois faits la caractérisent : i. Introduction du Bouddhisme ; 2. Développement et organisation du Taoïsme, qui devient une grande puissance ; 3. Latence du Confucianisme.

1. Bouddhisme. — Les choses de l’Inde étaient assez connues en Chine depuis longtemps. Le contact intime de la Chine avec l’Inde, dans le bassin du Tarim, depuis le 11* siècle avant J.-C, les fit connaître mieux encore. En l’an 65 après J.-C, l’empereur Ming euA^oya quérir les livres bouddhistes, et des bonzes poui’les expliquer. Deux Hindous, Kashiapa Matanga et Dharma Aranya, se fixèrent à la capitale. Le Bouddhisme s’implanta, mais ne se répandit pas, parce que les patrons politiques, qui font le succès des sectes en Chine, lui manquèrent provisoirement.

2. Taoismk. — Des Taoïstes aux allures exoticp^ies gouvcrnèrent l’empereur Che-hoang-ti des Tsin, qui espéra échapper, par leurs bons soins, à la loi de la