Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

607

CONCILES

608

est à noter : elle distingue deux formes d’assentiment ou de conCrmation, et indique que la première, seule nécessaire en soi, a été donnée durant le concile même et que, si une seconde vient maintenant s’y ajouter, c’est pour fermer plus sûrement la bouche à ceux qui voudraient se tromper et tromper les autres sur la pensée intime du pape.

Il n’est pas improbable qu’il faille voir un exemple analogue au précédent dans la demande de confirmation adressée par les Pères du VP concile au pape Agathon I". Nous y lisons (Mansi, î. XI, col. 687) :

« Avec vous nous avons proclamé clairement la foi

orthodoxe en son éclatante lumière, et nous prions Votre Sainteté de la confirmer de nouveau par son honorée réponse. >> Où nous traduisons confirmer, le texteoriginal grec porte s7T( ! rj ; y : y71TK(, et d’après cette phrase, les Pères auraient vraiment sollicité du pontife romain un acte spécial de confirmation proprement dite. Mais le demandent-ils comme essentiel à l’autorité souveraine de la condamnation portée contre le monothélisme ? Il est au moins impossible de le déduire avec certitude du texte même ; il y a plutôt là et dans le contexte des indices contraires : le passage cité affirme absolument f|ue le concile, en union avec le pape, a déjà proclamé clairement la foi orthodoxe, et il parle d’une nouvelle confirmation. En outre, dans un autre endroit de la même lettre, il avait été dit, avec plus de précision, que la définition portée sous l’inspiration de V Esprit-Saint et la direction du pontife romain, en conformité avec les saints Pères et les conciles œcuméniques antérieurs, traçait sûrement le sentier de la vraie foi. Mais alors pourquoi la demande d’une nouvelle approbation ou confirmation ? En mentionnant Honorius parmi les hérétiques anathématisés, on avait dépassé les instructions envoyéespar le pape Agathon, qui non seulement n’avait pas condamné son prédécesseur, mais avait A’anté la pureté toujours inaltérée de la foi de l’Eglise romaine. Peut-être les Pères avaient-ils conscience de ce que leur procédé présentait d’irrégulier. S’il en est ainsi, on conçoit qu’ils aient senti, surtout quanta ce point spécial, la nécessité d’une ratification. Cf. Funk, loc. cit., t. I, p. 87 suiv.|

IV. Utilité etnécessité des conciles. — 1° Point de nécessité absolue. — Nul concile n’est ni ne peut être nécessaire à l’Eglise d’une nécessité absolue, d’une nécessité pure et simple. L’enseignement et le gouvernement, ces deux grandes fonctions confiées par Jésus-Christ à ses apôtres et à leurs successeurs jusqu’à la fin des siècles, s’accomplissent habituellement par le pape et les é^êques résidant chacun en son propre siège : c’est ce Cjue l’on nomme l’Eglise enseignante dispersée, le magistère ecclésiastique dispersé. Cette forme d’enseignement et d’administration est en soi la plus naturelle, puisqu’elle laisse chaque pasteur au milieu de son troupeau. Elle sufllt, rigoureusement parlant, à tous les besoins de l’Eglise enseignée ; car, soit séparé, soit réuni, le corps épiscopal est investi de la même plénitude de pouvoir et de la même infaillibilité doctrinale, qui se retrouvent d’ailleurs identiques dans son chef pris à part. Ces considérations valent pour tous les conciles en général, elles valent en particulier pour les conciles œcuméniques. L’Eglise possède, dans la primauté du pontife romain, l’organe à la fois ordinaire et essentiel de l’autorité suprême, et cet organe a par lui-même puissance et grâce pour décider toutes les questions, pour porter des lois universelles, pour parer à toutes les difficultés. L’histoire confirme notre doctrine. Pendant les trois premiers siècles de son existence, c’est-à-dire jusqu’en Saô, l’Eglise n’a pas eu de concile œcuménique. Ce fait n’est pas simplement, comme

on pourrait le croire, la conséquence forcée de la situation précaire où elle se trouvait alors et des persécutions qu’elle subissait, car il s’est reproduit au moyen âge et à l’époque moderne : plus de deux siècles et demi (870-1123) se sont écoulés entre le VIIP concile œcuménique et le IX* ; plus de trois siècles (1563-1870) séparent le concilede Trente du concile du Vatican. Les conciles œcuméniques, et à plus forte raison les conciles particuliers, ne doivent donc pas être considérés comme un élément constitutif ordinaire de l’organisme surnaturel de l’Eglise. Ce n’est point sur les bases du régime parlementaire qu’elle a été fondée. De par sa forme sociale, elle n’est ni une démocratie, au gouvernement de laquelle chaque membre aurait en principe le même droit de participer, ni une aristocratie, ouverte également aux divers représentants d’une élite ; elle est essentiellement monai’chique, le monarque étant Pierre et chacun de ceux qui viennent après lui sur le siège de Rome.

Il est vrai que des théologiens et des canonistes catholiques admettent une institution divine des conciles œcuméniques ; ainsi parlent notamment Suarez, ScHMALZGRUEBER, Wernz. Mais qu’ou se garde de prendre cette assertion en un sens différent de celui que ses auteurs ont en vue. D’après leurs explications, elle ne veut dire autre chose sinon que le corps épiscopal aA’ec et sous le pontife romain est la continiiation Aoulue par le Christ du collège apostolique ayant Pierre à sa tête, et que le concile œcuménique est une expression parfaite, la plus éclatante, du corps épiscopal. Rien ne prouve d’ailleurs que le corps épiscopal, pas plus que le collège apostolique, ait reçu, pour n’importe quelles époques ou pour n’importe quelles circonstances déterminées, la consigne de n’agir qu’en se réunissant et en associant ses membres dans une opération visiblement commune. Et qu’on n’objecte pas que les papes du moins sont liés en ceci par le décret de la xxxix^ session du concile de Constance, décret cju’eux-mêmes ont approuvé et qui imposait un concile œcuménique tous les dix ans : les papes, à proprement parler, ne sont jamais liés, ils ne sauraient être liés par les décrets d’un concile, comme ils ne sauraient l’être par leurs propres décrets ; dépositaires d’un pouvoir suprême inaliénable et immuable, qu’ils tiennent directement du divin fondateur de l’Eglise, ils jouissent comme tels d’une liberté d’action que rien n’est capable d’enchaîner ; toujours ils peuvent en revendiquer ou en reprendre le plein exercice, sauf, au point de vue de lexrr conscience, à n’en user que suivant les règles générales de la prudence et du devoir d’édification qui incombe à tout supérieur à l’égard de ses inférieurs. Quant au caput Frequens du concile de Constance, il semble bien qu’il n’était pas né viable : les essais malheureux tentés à Pavie, en 1423 ; à Bàle, en 1431 ; à Bologne, en 1433, puis repris à Bàle à partir de la même année 1433, en eurent vite démontré les dangers et l’impossibilité pratique. Qui oserait blâmer le Saint-Siège de l’avoir laissé tomber en désuétude ?

2° Utilité. — D’autre part, il est évident que des assemblées partielles ou universelles du corps épiscopal présenteront souvent de grands avantages. Naturellement parlant, la réunion d’hommes instruits, prudents, dévoués au bien commun, peut beaucoup pour éclaircir les doutes, pacifier les esprits, terminer les controverses, préparer les lois, remédier aux maux publics, ranimer la confiance et le courage. Un concile fournira donc en général un appoint considérable, un complément très utile aux moyens dont l’Eglise dispose pour l’accomplissement de sa tâche. Ainsi l’ont pensé toutes les générations chrétiennes, depuis les plus anciennes, comme le prouve leur pratique constante.