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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/34

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AGNOSTICISME

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nous on a donné le résunié, à rusage « les doctes comme des simples : Qui /in.ril oculiim, non considérât ? Psalm. 93, 9. Cf. 1, dist. 35, q. i, a. 2 ; de Verit., q. 2, art. 3. Une partie de la dilUcullé est résolue ; et, on en conviendra, la doctrine catholique est vraiment catholique parce ([lu- vraiment humaine : chez nous, sans passer par le dur sentier de la Critique de la raison pure ou des Premiers principes, tous peuvent avoir la mènu’foi et penser Dieu de la même façon. S. lîonaventure le disait déjà à frère Gilles.

Ajoutons que, dans toute cette question de la foi des siuqiles, les partisans delà valeur exclusivement régulative et normative des formules, ne tiennent aucun compte de la grâce de la foi surnaturelle, des lumières qu’elle nous donne à tous, aux simples connue aux autres, et de la grâce par laquelle Dieu nous aide tous à penser bien de lui. Cf. S. Thomas, Sitmma, I, q. 12, art. 13 ; Bosscet, Œures oratoires, éd. Lebarcq, t. V, p. io4. Ou, s’ils parlent de ces éléments, c’est en substituant à la notion calliolique, la conception protestante, janséniste ou naturaliste du surnaturel ; c’est au détriment de la raison, comme si croire c’était d’ajjord se mutiler, et comme si c’était honorer Dieu que de prétendre qu’il a mis un conflit ou une cloison étanche entre notre nature morale et religieuse et notre nature raisonnable. Cf. Hodge, Systematic theology, t. I, p. 355.

Si enfin les modernistes faisaient attention au contenu de la première page de nos catéchismes, ils comprendraient comment psychologiquement les plus simples sont amenés à penser Dieu au sens absolu. On ne veut pas dire c^ue leur intelligence éjjuise d’un coup tout ce qu’on peut explicitement connaître de la perfection divine, ni même que certaines

« images grossières », comme dit Bossuet, ne

se mêlent aux idées que leur suggèrent les formules. Ce qui est en question, c’est le contenu ol)jectif des formules. Qu’on lise un catéchisme. On y trouvera, dès le début, en même temps que la spiritualité de Dieu, le dogme fondamental de la création e.r niltilo, la non-éternité du monde, la liberté divine et la souveraine indépendance de Dieu. Or, nous avons vu avec S. Thomas que tout cela ne peut s’entendre qu’au sens absolu. L’enfant a donc, dès sa première leçon de catéchisme, une métaphysique supérieure, qui non seulement est exempte objectivement d’erreur, mais qui subjectivement oriente dans le sens d’une intelligence plus parfaite de la réalité divine toutes ses facultés. On lui donne une description de Dieu, et ces deux vérités si faciles à saisir — quoi qu’en dise M. Bergson pour les besoins de son sjstème — que Dieu a créé le monde du néant et cjue le monde n’a pas toujours été, l’amènent psj^chologiquement à se mettre devant cette description au vrai point de vue, au point de vue objectif. Il pourra travailler sa vie entière à méditer sur ce sujet qu’il n’épuisera jamais, sans avoir à en changer. La première leçon de catéchisme est de soi révélatrice de vérités et préservatrice d’erreurs sur la nature intrinsèque de Dieu. L’Eglise primitive le savait bien, aussi le dogme de la création est-il en bonne place dans le Credo. Primant omnium crede ununi esse Deum qui omnia creavit, dit déjà le pasteur d’Hermas. La tradition des Pères est riche sur ce sujet ; et le dogme de la création non ab aeterno leur a servi à réfuter le gnosticisme, le manichéisme, l’arianisme etc. S. Tliomas n’est que l’éclio de la tradition quand il écrit : Manifestius inundus ducit in cognitionem dis’inae potentiae, si mandas non semper fuit quam si semper fuisset, Summa, I, q. l, art. j, ad G ; Cont. genî., i, 13, obj. i.On ol)jectera qnv, si telle est l’importance du dogme de la non-éternité du monde, on

ne voit pas comment Maimonide, qui le professait, a pu tond)er dans l’agnosticisme radical. — Réponse : l’argumentation de S. Thomas démontre en effet qu’il y avait là une contradiction dans la pensée du Ral)bin ; mais il y a longtemps cpie cette paille a disparu du judaïsme lil>éral, cf. /en/.s/i Cyclopædia, v. Création. Aussi M. Bergson, dans son Es-olution créatrice, fait-il porter tout son elTort contre l’idée de création ; toute son argumentation d’ailleurs est tirée d’une idée de Maïmonide et de Plotin sur les « idées négatives », dont il nous reste à parler.

5" Les deux dernières conclusions de Ma’imonide ne sont que des corollaires des thèses précédentes.

« ) Tous les attributs absolus de Dieu n’ont qu’un

sens négatif. « Comprenant qu’il n’en est pas de cet être comme de l’existence des éléments, qui sont des corps inanimés, nous disons qu’il est vivant, ce qui signifie que Dieu n’est pas sans vie. Comprenant ensuite fpi’il n’en est pas non plus de cet être comme de l’existence du ciel qui est un corps vivant, nous disons qu’il n’est point un corps », p. 2/|3. « Mais ces négations elles-mêmes, il ne faut s’en servir pour les appliquer à Dieu que de la manière que tu sais ; je Aeux dire qu’on nie quelquefois d’une chose ce qu’il n’est pas dans sa condition de posséder, comme quand nous disons du mur qu’il ne voit pas », p. 2/(5. Enfin « la perfection de l’essence parfaite signifie pour nous négation des imperfections… Aucun des êtres qu’il a produits ne ressemble à Dieu ; il n’a absolument rien de commun axec ces derniers », p. 2/17.

Réponse : i » Argument //ie’o/o°’/</He. Que les attributs absolus de Dieu aient ainsi un sens purement négatif,

« c’est contre la pensée intime des fidèles. Car lorsqu’ils

disent que Dieu est vivant, ils ont l’intention d’exprimer autre chose qu’une difïérence entre lui et les êtres inaniuiés » (Samma, 1, q. 13, art. 2). « Si les attributs de Dieu n’étaient en usage que pour nier, de même cjue nous disons que Dieu est vivant, parce que son existence n’est pas comme celle des êtres inanimés, ainsi que l’entend Maimonide, nous pourrions dire aussi que Dieu est un lion, parce que son existence n’est pas comme celle d’un Aolatile. En effet, toutes les fois que nous nommons une espèce, nous nions un mode d’être qui ne convient pas à Dieu ; car espèce inq^orte dilYérence, et par là exclusion d’une autre espèce : w lion » importe « quadrupède » qui est la difïérence entre le lion et le Aolatile. » (De Pot., quæst. j, art. 5.) Si donc l’intention des fidèles, quand ils appliquent à Dieu des noms, n’était que de nier de Dieu des modes d’être, ils pourraient lui donner au hasard n’importe quel nom, par exemple celui de lion, pour expriuier qu’il n’est pas un oiseau. S’ils ne le font pas, c’est donc que leur intention est d’exprimer par les noms que l’on donne à Dieu, autre chose c^u’une différence d’être. D’ailleurs, ajoute S. Thomas, Secundum Dionysiam dicendum est quod hajasmodi nomina significant divinam suhstantiam, quamvis deficienter et imperfecte, ibid. 2 » Argument philosophique. « Le fondement dernier de toute négation est une aflirniation, puisque toute proposition négative se prouve par une affirmative. Donc, si notre esprit ne connaissait aucun attribut positif de Dieu, il ne iiourrait rien en nier. Mais il ne connaîtrait aucun attribut positif, si rien de ce qu’il dit de Dieu aflirnuitivement ne se vérifiait ol)jectivement en Dieu et au sens positif. » De Pot., ibid. et q. 9, a. 7. ad 6. On remarquera dans cet argument i" conunent l’agnosticisme dogmatique conduit à l’agnosticisme pur ; 2" qu’on suppose ici qu’on a déjà prouvé ou qu’on prouvera, i)ar les principes de causalité et de raison suffisante, c^ue nous pouvons arriver à connaître des attributs positifs au sens

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