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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/371

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CREATION

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produisent entre les différentes parties du monde aboutit au perfectionnement de certaines espèces. C’est une utilisation des éléments existants, au protît de certains types. Cela prouve-t-il que le monde soit sorti du néant tout seul (tout de rien) ou que d’un état moins parfait pour l’ensemble, soit sorti un état absolument plus parfait (le plus du moins) ?

Un créateur est aussi nécessaire pour expliquer l’origine d’un atome que pour expliquer celle d’un monde, et d’autant plus nécessaire même qu’entre tant de sens que pouvait prendre l’évolution, les lois qui régissent l’évolution présente révèlent une intelligence plus parfaite.

On le voit, et différents articles de ce dictionnaire en fourniront la preuve détaillée, l’objection scientifique ne garde sa portée que moyennant une confusion constante entre la science et la philosophie, entre le fait scientifique et la glose que la science incroyante lui adjoint illégitimement.

Il reste à voir en faveur de qui la philosophie se prononce.

2° La raison recommande la création comme la solution la plus acceptable.

Prenons ce gros problème que toutes les théories doivent résoudre : d’où vient le mal, désordre du monde physique, désordre plus criant du monde moral, défaillances individuelles, impunité actuelle des crimes, etc. ?

Des trois solutions imaginables chacune a ses difficultés ; les moindres sont celles que présente le dogme de la création.

k) Le dualisme se heurte à toutes les difficultés du panthéisme et du créatianisme, avec, en plus, les difficultés toutes spéciales de la multiplicité. Non seulement pour lui le principe bon est limité, impuissant pour le bien physique, comme pour le ])ien moral, mais la même perfection physique — être nécessaire — est donnée comme l’explication physique de son contraire. Appartenant au même ordre physique, qui est le nôtre, ces deux êtres doivent forcément avoir quelques caractères communs ; tous deux nécessaires, ils doivent trouver dans la constitution physique de leur nature la raison de cette perfection commune ; et pourtant on affirme que cette perfection souveraine est soit la conséquence de deux natures toutes contraires, soit le principe de propriétés tout opposées. C’est la plus incohérente des solutions.

fi) Le panthéisme se heurte à toutes les difficultés du créatianisme avec, en plus, une évidente contradiction. En effet, le créatianisme est à la gène pour expliquer comment l’être parfait j)eut produire ou tolérer l’imperfection et le désordre hors de soi ; mais le pantliéisme est dans un bien autre embarras d’expliquer comment Dieu peut produire ou tolérer le mal en soi. Contradiction logique : de quelque manière qu’on l’explique, émanation nécessaire de Dieu, difformité essentielle de son être, altération modale, le mal est en Dieu, à un titre plus ou moins immédiat ; le mal trouve finalement son explication dans la souveraine perfection : la raison du mal, c’est le bien ; de l’imparfait, c’est le parfait. Contradiction de la conscience : elle se refuse à aduietlre l’identité substantielle des personnes entre elles, l’identité substantielle du Parfait et des êtres misérables et coupables que nous sommes.

/) Le créatianisme respecte la logique, en laissant l’Absolu dans la perfection inviolée de son être, et la conscience, en lui reconnaissant son individualité. Il met le mal hors de Dieu, non comme son œuvre directe, mais comme une suite inévitable de la tare originelle de la créature : parce qu’elle est finie, elle est passible, mobile, peccable. Au surplus, il montre.

sans grand’peine, comment, de ces imperfections, l’Etre parfait sait tirer le bien.

Si cette troisième solution a des obscurités — et un pareil problème ne peut pas ne point en offrir — seule du moins elle ne révèle pas de contradiction ^.

Il faut dire plus :

3" La raison présente la création comme la solution nécessaire. Pour l’établir, précisons d’abord les points communs entre créatianistes et anticréatianistes. Les voici :

Comme fait, les uns et les autres admettent l’existence forcément mystérieuse d’un être nécessaire-, de qui il convient de dire au moins qu’il a toujours existé et qu’il s’explique tout seul par la perfection de sa propre nature. Les uns disent : « C’est le monde lui-même » ; les autres : « C’est le Créateur du monde » ; peu importe en ce moment. Pour tous, au moins, du rien absolu rien ne peut sortir ; donc de tout temps a existé un être qui est à lui-même sa raison d’être ; sans quoi rien n’eût jamais été.

Comme principe, les uns et les autres admettent celui de raison suftisante, puisque tous — tous ceux avec qui l’on peut parler raison — professent au moins la possibilité de la science, reconnaissent au moins un enchaînement rigoureux dans la succession des phénomènes. Quelle que soit la manière dont ils l’expliquent, consécution ou causalité, ils concèdent que ce qui suit, loin de surgir du hasard ou du néant, est conditionné et déterminé par ce qui précède.

Avec ces seuls présupposés, voici comment on se voit conduit logiquement à admettre une création, à l’origine des choses.

Un être qui n’est ni l’être nécessaire, ni partie de l’être nécessaire, n’est de lui-même rien ; si donc il existe, il a été à la lettre produit de rien, donc créé. Or tel est le cas de tous les êtres que nous voyons soumis au changement : ils ne sont ni nécessaires, ni partie de lêlre nécessaire.

Le principe général ici formulé est évident, puisqu’il n’y a pas de milieu, entre être nécessairement, ou être par soi, et n’être pas nécessairement, ou « V^/e lien de soi. Son application aux êtres muables requiert seule une démonstration. Nous l’aurons fournie, si nous établissons que l’être nécessaire est nécessairement immuable. Or en voici la preuve.

Un être dont toutes les déterminations sont absolument nécessaires est rigoureusement immuable. Tel est l’être nécessaire ; donc il est rigoureusement immuable.

Ce nouveau principe que nous invoquons n’a besoin que d’être compris au sens où il est fornmlé, pour apparaître évident. En effet, si nous entendons par absolument nécessaire ce qui n’est pas seulement inévitable pour une hypothèse donnée, mais ce qui, de nécessité physique, est tel qu’il est dans n’importe quelles conditions, il devient manifeste que ce qui est indépendant de toutes conditions reste tel qu’il

1. Cette constatation, que nous venons de faire au sujet du problème du mal, pourrait se répéter au sujet du problciDe du changement.

Dans le dualisme, une même perfection physique, la nécessité détre, où nous allons montrer bienliM la raison de Yintmiitabilitr la jilus stricte, est la source comnuine de de u.r principes opposes, do leur conflit, et de leur altération réciproque. Dans le panthéisme, In nécessité est le fjrincipe du mouvcnienl ; et d’autres tei-iiies, comme on va le voir, V identité est cause de diversité constante. Dans le créatianisme enfin, la nécessité est cause d immutabilité, et c’est parce que l’être lu-cessaire possède, dans l’absolue détermination de sa nature, tout ce que les élies finis acquièrent partiellement par voie de changement, yj^’/Z dirij^e leurs mouvements sans se mouvoir lui-même.

2. Non p’.s VEtre nécessaire des Scolastiques, mais un être qui est, nécessaire, au sens minimum que l’on indique.