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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/408

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CRITIQUE BIBLIQUE

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raison de cet artifice de pseudépigraphie, les événements représentés comme futnrs par l’aviteur présumé, iJouvaient être contemporains de railleur véritable. La littérature juive extracanonique, celle qui commence vers le milieu du siècle qui a immédiatement précédé notre ère, compte un grand nombre d’apocalypses, telles que le livre d’Hénoch, l’apocalypse de Baruch, le quatrième livre d’Esdi-as, etc. Cf. P. LAGRA>'Œ, Ze ^Jessiallislne chez les Juifs, 1909, p. 89. Il était facile d’abuser du procédé, en donnant une apocalypse pour une prophétie proprement dite ; mais, absolument parlant, rien ne s’opposait à ce que l’Esprit de Dieu utilisât cette forme d’enseignement devenue courante, pour relever le courage et fortifier l’espérance de son peuple, à une époque où il ne lui envoyait plus de prophète ; pourvu toutefois que le véritable cai-actère d’un semblable écrit fût reconnaissable. — De fait, y a-t-il des apocalypses parmi les livres canoniques ? En dépit de son nom, l’apocalypse de S. Jean se rattache plutôt à la prophétie qu’au genre apocalyptique, du moins tel que nous venons de le décrire. Ce n’est pas un éccit pseudonyme, sa composition n’est pas reportée à une époque antérieure à celle qui la vu paraître en effet, enfin on n’y traite pas et on n"est pas censé y traiter exclusivement de l’avenir. Il se rattache au genre aiiocalyptique par la vision symbolique, mais il ne faut pas oublier que des disions analogues se rencontrent déjà dans les Prophètes de l’Ancien Testament, par exemple dans Ezéchiel et Zacharie. Beaucoup plus délicate est la question qui concerne Daniel. Le plus grand nombre des critiques non catholiques y voient actuellement une apocalypse, écrite par un auteur inconnu de la seconde moitié du 11’siècle avant J.-C, pendant la persécution d’Antiochus Epiphane. Quelques catholiques se sont associés à cette manière de voir. Cf., d’une i^art, E. Philippe, Le li’re de Daniel, dans le Bict. de lu Bible (Vigouroux), II, col. 1254 ; et, d’autre part, F. E. Gigot, Spécial Introd. to the Study of the Old Test., 1906, p. 879 ; P. Lagraxge, Rev. hibl., 1904, p. 494- — L- Bigot, dans le Dict. de Théol. cath. (Yacant-Mangenot), 1908, III, p.’ji, se borne à exposer les deux opinions.

c) Qu’il s’agisse d’un livre sacré ou d’un livre profane, il importe souverainement de déterminer son genre littéraire avant d’en faire l’exégèse. Les mots ne gardent plus le même sens selon qu’ils figurent dans un morceau poétique ou dans un récit historique ; ici Salomon veut dire le fils de David, et là, de Sage par excellence. La langue du poète connaît les licences interdites à l’historien et au natiu-aliste. Pour peindre la désolation qui régnera un jour sur les cités dévastées de Moab, Isaie, xxxiv, 14, a beau dire que les démons s’y rencontreront avec les onocentaures, les satyres et Lilite (un monstre de la légende juive) ; personne ne songe à prendre cette description au pied de la lettre. Jusqu’où peuvent s’étendre les licences d’un genre littéraire autorisées par l’usage, c’est ce que l’histoire de la littérature peut seule donner à connaître avec précision.

Si, à prendre les choses en soi, les lois et les exigences d’un genre relèvent exclusivement du critère interne, il n’en va pas de même quand il s’agit de décider à quel genre appartient de fait un texte donné. L’analyse du contenu ne suffit pas toujours pour ce discernement. On sait qu’au xviii<= siècle les érudits se partagèrent en deux camps sur la question de savoir si l’ode d’Horace navis réfèrent in mare était une pure allégorie chantant les destinées de la République romaine, ou bien la description poétique d’un Aaisseau en bois du Pont, sur lecjuel le poète avait failli faire naufrage. Voir l’édition d’Horace par Lemaire, 1829, I, p. 90. Une controverse sem blable divise aujourd’hui les critiques au sujet du Cantique des cantiques ; on se demande si l’auteur inspiré y chante seulement Tamoiu" divin, ou bien s’il a entendu composer un épithalame pour les noces de Salomon, type du Messie. Cf. P. Joiiox, Le Cantique des cantiques, 1909, p. 21. Dans ces questions, le témoignage historique peut venir au secoiu-s du critère interne ; et même, en certains cas, il est, à lui seul, décisif. Quand même le texte dvi quatrième Evangile ne renfermerait par des indices suffisants de son caractère historique, il est un fait qui autoriserait déjà solidement cette conclusion, c’est le témoignage du 11^ siècle. Depuis que ce livre est connu, — et il l’a été immédiatement adirés sa composition, — on l’a toujours envisagé comme un livre d’histoire. Est-il admissible que l’on se soit si vite mépris sur son véritable caractère ?

L’Eglise ne saurait se désintéresser de ces questions, puisque le sens et, par conséquent, la portée doctrinale des Ecritures i^euvent en dépendre. Elle ne tolérera jamais que l’on traite les récits i^rimitifs de la Genèse comme des luythes proprement dits, parce que, du même coui), serait méconnue la réalité de certains faits, sur lesquels on a toujours fondé les dogmes de la justice et du péché originels. A bien plus forte raison, on conçoit qu’elle soit intervenue en faveur du caractère historique du quatrième Evangile. Décret Lanientabili, Prop. 16, l’j, 18, Denz.’*', 20 16-20 18. Mais ici, le théologien, aussi bien que le critique, se garderont de jugements sommaires, de théories globales, surtout de l’argumentation

« simili, source de nombreux sophismes ; chaque

problème doit être traité séparément. Il est clair, par exemple, que, de ce point de vue, on ne saïu’ait conclure uniment, d’après les mêmes procédés et pour des motifs identiques, c|u’il s’agisse de la Genèse ou du quatrième Evangile.

En cette matière, on se gardera de précipiter son jugement d’après les apparences ; il ne suffit pas qu’un récit ait une allure historique, pour déclarer qu’il est de l’histoire, surtout de l’histoire au sens strict du mot. On a p.osé récemment à la Commission pontificale pour les études bibliques la question suivante : ’< Est-il permis d’admettre comme un principe de saine exégèse, l’opinion d’après laquelle les livres de la Sainte Ecriture, regardés comme historiques, ne racontent pas toujours, soit dans leur totalité, soit dans certaines parties, de l’histoire proprement dite et objectivement Araie, mais n’ont que l’apparence de l’histoire et disent à faire entendre autre chose que ce qui résulte de la signification proprement littérale ou historique des termes ?)j — Or, voici la réponse de la Commission. « IVon, excepté le cas, qui n’est point à admettre facilement ni légèrement, où, le sentiment de l’Eglise n’étant point contraire et son jugement réservé, il est prouvé par de solides arguments que l’hagiographe n’a pas Aoulu donner une histoire véritable et proprement dite, mais proposer, sous l’apparence et la forme de l’histoire, une parabole, une allégorie ou quelque sens différent de la signification proprement littérale et historique des termes. » 23 juin 1905, Dexz. *", 1980. Même dans le cas exceptionnel d’un livre biblique qui n’aurait d’historic{ue « que la forme et l’apparence », le texte sacré garderait toute sa valeur religieuse et morale. Le P. Prat, La Bible et Vhistoire, p. 34-89, fait justement observer que l’enseignement donné dans le livre de Job, n’en ressortirait qu’avec plus de netteté et de certitude, s’il était prouvé que l’auteur n’a entendu écrire qu’une parabole ; précisément parce que le caractère didactique de sa composition serait dès lors mieux accusé. Les plus belles paraboles du Christ : le Prodigue et le Samaritain, ne

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