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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/409

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CRITIQUE BIBLIQUE

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perdent rien de leur vérité, bien que de graves commentateurs se soient demandé si elles sont des récits fictifs ou des Iiistoires réelles.

3. Sources, citations et doublets. — a) Sources.

— Il s’agit de sources écrites, c’est-à-dire de documents préexistants, utilisés par l’hagiographe pour la composition de son propre texte. Que cette manière de composer soit compatiljle avec l’inspiration, c’est ce que l’on accorde communément aujourd’hui. Voir Ixspi-RATio. v. La chose n’avait pas complètement échappé aux anciens, bien que leur attention n’ait été que médiocrement sollicitée par ce genre de problèmes. Thkodoret de Gyr, Quæst. in Jos., x, 13, interrog. 14 ; Quæst. in lib. Reg., Præf., P. G., LXXX, 473, 529 ; Progope de Gaza, In Gen., x, 31, P. G., LXXX Vil, 313, 315 ; et même S. Chuysostome et Eu-SKBE (cf. Brucker, L’Eglise et la crit. bibl., 1908, p. 283), avaient déjà conjecturé que l’hagiographe, surtout en matière d’histoire, s’était, sans doute, aidé de sources écrites. A la simple réflexion, on trouve la conjectiu’e tout à fait vraisemblable. Gomment écrire l’histoire ancienne sans document ? Et qu’on ne dise pas que Dieu a suppléé au document par une révélation proprement dite. Outre que Dieu n’a jjas coutume d’intervenir quand les ressources humaines suilisent, l’examen des textes ayant trait à un même événement, comme il s’en rencontre dans les Rois, les Paralipomènes, les Macchabées, les Evangiles et les Actes, fait assez voir que ce n’est pas de la sorte que les hagiographes ont été renseignés sur le fond de leur récit. De plus, les critiques discernent, ou croient discerner, notamment dans l Hexateuque et le livre des Juges, divers documents utilisés par le dernier rédacteur. Les auteurs bibliques eux-mêmes citent expressément le titre de plusieurs écrits auxquels ils renvoient pour le complément et aussi la justification de leur récit : Nuni., xxi, i/J ; Jos., yi, 13 ; cf. // Reg., i, 18 ; sans parler des Annales des Rois d’Israël, citées dix-sept fois dans les livres des Rois, et des Annales des rois de Juda, citées quinze fois. Ayant tous ces écrits à leur disposition, est-il croyable qu’ils ne s’en soient pas servis ? Il faut en dire autant de S. Luc, relativement aux écrivains qui avaient tenté, avant lui, de donner un récit ordonné de l’Evangile ; Luc, i, i-^.Pour ces raisons, la Gommission pontificale poiu- les études bibliques a consacré le principe de sources écrites ayant servi à la rédaction d’un texte inspiré. On lui avait demandé :

« Peut-on, sans préjudice de l’authenticité mosaïque

du Pentateuque, concéder que Moïse, pour la composition de son ouvrage, a employé des sources, c’est-à-dire des documents écrits ou des traditions orales, où il a puisé, suivant son but spécial et sous l’inspiration divine, différentes choses qu’il a insérées dans son œuvre, soit textuellement, soit seulement pour le fond, en abrégeant ou en amplifiant ? » La Gommission a répondu affirmativement (27 juin 1906). Denz. ^", 1999.

Bien que la question des sources écrites se pose directement à propos des livres historiques, on peut l’étendre aux autres compositions, quand il y aura lieu de It faire. Geux qui ont écrit les livres Sapienliaux, par exenqjle les Proverbes, ont bien pu s’aider de la littérature gnomique déjà existante, inspirée ou non ; et pareilleuicnl les Prophètes en ce ([ui concerne les éléments de leurs descriptions. Ici même, p. 156, 158, on n’a pas exclu absolument l’hypothèse de sources écrites du problème qui concerne la composition de rvpocaly[)se de S. Jean.

b) Citations. — A la différence du document utilisé par voie de compilation, d’élaboration, ou des deux manières à la fois, la citation proprement dite ne

forme pas partie intégrante du récit ; elle figure dans le texte à l’état de iiièce rapportée. Elle peut être expresse ou tacite.

La citation est expresse quand l’auteur l’introduit l^ar une formule à cet effet, ou par tout autre signe matériel, auquel se reconnaît de prime abord une référence. Les citations de cette nature ne sont pas rares dans la Bible ; le premier livre des Macchabées en contient, à lui seul, plus de douze. Gf. Kxabex-BAUER, Comment, in duos libr.Macch., 1907, p. 22. Signalons ici, à titre d’exemples, la lettre de Jonathas aux Spartiates et la réponse d’Arius, leur roi, au grand j)rêtre Onias, / Macch., xii ; plusieurs resci’its ou édits des rois de Perse, I Esdr., i et iv-viii ; et encore les vers d’Epiménide et d’Aratus cités par S. Paul, Tit., i, 12, Act., XVII, 28.

La citation tacite ou implicite est ainsi appelée parce qu’elle ne se présente pas dans le texte avec les signes ordinaii’cs, auxquels on reconnaît une référence. Les guillemets n’étaient pas d’usage dans l’écriture de la haute antiquité, et, faute de cet artifice typographique qui dénonce à l’œil une citation, nous n’avons plus à notre disposition, pour reconnaître la citation tacite, que la nature du texte cité, ou encore son identité verbale avec un autre texte. Des auteurs ajoutent ici un troisième indice, mais qui est contesté, du moins quand il s’agit de la Bible : à savoir la présence, dans un même ouvrage, de documents qui se conti-edisent.

De leur nature, les généalogies ou les recensements sont des pièces transcrites des registres publics, et que, d’ordinaire, on accepte telles quelles. En comparant le IIP livre des Rois avec le IP des Paralipomènes, on remarque sans peine que de longs passages se retrouvent identiques dans les deux textes, ou tout au plus avec de menues variantes. De ce même point de vue, le psaume civ est à rapprocher de la forme qu’il a dans I Paralip., xvi, 8, ou encore les ch. xxxvi-xxxixd’Isaïe duIV’^ livre des Rois, xviii, 13-XX, 20. Il suffit de comparer l’épître de S. Jude, 14et 15, avec le livre d’Hénoch, i, 9, pour constater qu’il y a entre ces deux textes identité presque verbale. Manifestement l’un de ces textes a été transcrit sur l’autre, ou bien ils dépendent tous les deux d’un seul et même apographe. Ce n’étaient pas là des plagiats, à cause de la notoriété des passages cités. S. Paul a pu rapporter de même un vers de Ménandre facilement reconnaissable pour ses premiers lecteurs ; / Cor., XV, 33. On peut croire qu’à ce même titre des refrains de chansons connues en Israël figurent dans Gen., iv, 23-24 ; Jos., x, 12 ; Jud., xv, 16 ; Isaïe, V, 1-3, etc.

Quant au troisième indice proposé pour reconnaître une citation tacite, celui des données contradictoires dans un même livre, comme il tient à la critique historique du contenu des textes, et que la question de sa légitimité se pose entre exégètes et apologistes catholiques à propos de I’Inerraxce biblique, il en sera parlé dans l’article consacré à ce sujet. Là même, on traitera de la controverse soulevée à propos de la théorie des citations tacites non garanties par l’auteur inspiré, et de la solution que la Gommission romaine pour les éludes bibliques lui a donnée. Gf. Denz. <<, 1979.

c) Doublets. — On pense avoir découvert dans les récits de l’Ancien Testament, et jusque dans les évangiles synoptiques, un procédé de rédaction qui consiste à répéter deux fois un seul et même événement, à rapporter deux fois une parole, qui n’a été dite en réalité qu’une fois, du moins dans les circonstances données. Ges faits ou ces paroles, l’hagiographe les aurait rencontrés deux fois dans ses sources, mais différemment encadrés. Au lieu de les identifier, comme ferait aujourd’hui un historien qui critique

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