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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/423

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CROIX

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la croix clicz les Mexicains et autres peuples de l’Amérique centrale aurait été le sj mbole de la divinité fécondatrice de la pluie. Les nombreuses légendes que l’on rapporte sur le culte de la croix en Amérique sont fort sujettes à caution. L’imagination des auteurs y entre pour une grande part.

La croix se rencontre sous différentes formes sur des poteries anciennes, trouvées au nord de l’Italie, en Savoie, en Allemagne et en Angleterre. Ces poteries remontent à l'époque du fer et du bronze. Leur seul ornement est la croix. Certains archéologues ont prétendu y voir un sjinljole religieux : ils ont même ailirmé qu'à cette époque lointaine la croix était l’emblème d’une religion monothéiste ; car, disent-ils, sur aucune de ces poteries on ne trouve la moindre allusion à une idole, aucune figure d’homme ou d’animal, rien que la croix, donc la croix était l’unique emblème religieux de ces peuples, et par conséquent le symbole d’une divinité unique et sans nom. Ils n’ont oublié qu’une chose, prouver que ces croix sont vraiment des signes religieux, et non de simples ornements.

2" La croix comme ornement dans l’antiquité païenne. — Les exemples sont nom])reux.

On marquait une certaine race de chevaux d’une croix sur la croupe. Cette marque assez seniblable à la croix ansée, ou plutôt au Koppa, a donné lieu à des archéologues à considérer ces chevaux comme des animaux consacrés à une divinité ; il n’en est rien ; ce sont des zir-arfai ou ('r-ît /cîttttkïo’pk, race corinthienne ti'ès célèbre. C'était l’iiabitude, chez les anciens, de marquer sur la croupe les chevaux de sang, ainsi que les chevaux victorieux aux courses.

On trouve des inscx-iptions romaines portant des croix, mais on ne peut pas regarder ces inscriptions comme chrétiennes, car les chrétiens ne firent usage de la croix dans les inscriptions que relativement tard, ou bien ils se servaient de croix dissimulées, afin de ne pas éveiller l’attention. Sur quelques monuments païens les inscriptions ou les noms sont disposés en forme de croix : rien n’autorise à leur donner un sens religieux.

Le monogramme du Christ, tel qu’on le voit sur les monuments chrétiens, n’est pas inconnu dans l’antiquité profane. Ce monogramme, comme on sait, est formé par la combinaison du X et du P, les deux premières lettres du nom grec du Christ, XPICTOC. II fut très populaire à partir du iv' siècle de l’Eglise ; avant cette date, il ne se rencontre que rarement. Le monogramme i)aïen n’a aucune signification religieuse. On le rencontre sur des tétradrachmes d’Athènes et certaines monnaies des Plolémées, où il semble être l’abréviation du nom du monnaj’eur ou de la monnaie. Sur d’autres monnaies on le trouve précédé d’un A ; il est alors l’abréviation de àpy^v. Ailleurs, dans les numuscrits grecs, il est l’abréviation de y.p^'ydç : et de /, pdv>~. Ces explications, on le voit, n’ont aucun rapport avec la religion ; prétendre donc trouver dans le monogramme clirétien une preuve de l’origine païenne du christianisme, est une hypothèse si puérile qu’il vaut mieux n’en point parler.

Fréquemment le monogramme est représenté par les lettres I, X combinées, 'Iv ; T5û?X ; îtTr&' ;  : cette forme existait dans l’antiquité i)aïenne, connue motif d’ornementation ou i)our rei)résenter une étoile.

Les chrétiens exj)rinuiienl aussi le nom du Christ, X/stîTiç, par la seule lettre X. Sur les monnaies païennes cette lettre indique la valeur monétaire ; dans les inscriptions et manuscrits elle est un chiffre correspondant à dix.

3° Prétendus rapports entre la croix chrétienne et la croix païenne. — La croix se trouve donc dans l’antiquité païenne (pu-lquefois comme syml^ole reli gieux et quelquefois comme ornement. Quelques archéologues ont singulièrement exagéré le rôle de la croix comme emblème religieux avant le christianisme. Se basant sur ce prétendu culte universel de la croix, ils ont inventé les théories les plus curieuses. Les uns ont voulu voir dans la croix le symbole de la vie éternelle et de l’immortalité de l'àme : cette explication ne repose sur aucun fondement historique. Les autres ont voulu faire remonter la croix jusqu'à Adam. Ils y sont parvenus, non par l'àpre sentier de la science critique, mais par le chemin aisé et, hélas, trop fréquenté de l’imagination. Dieu, disent-ils, non seulement révéla à Adam qu’un Sauveur rachèterait l’humanité, mais il lui fit connaître la manière dont s’accomplirait la rédemption. Adam j)ar conséquent connaissait la croix, la vénérait comme un instrument de salut et transmit ce secret à ses enfants. Les croix païennes seraient donc les images prophétiques de la croix du Christ, et les païens, sans le savoir, honoraient d’une certaine façon le vrai Diau. D’insurmontables obstacles s’opposent à cette théorie. Si la croix avait été révélée à Adam, comment se fait-il que les Juifs n’en ont point fait mention ? Nous savons quelle idée les Juifs s'étaient faite du Messie. Ils attendaient un roi guerrier qui les délivrerait du joug des nations, leur donnerait la domination du monde, et régnerait sur eux éternellement. Ils ont repoussé le Christ, car il ne ressemblait pas à leur idéal : sa mort sur la croix, loin de leur ouvrir les yeux, les scandalisa et les éloigna de lui pour toujours. De plus, il faut remarquer que la croix des païens, en tant qu’objet de culte, n’a jamais représenté un instrument de supplice. Nous savons avec quelle horreur et quel mépris les anciens regardaient le supplice de la croix. Elle était réservée aux esclaves ; crucifier un citoyen romain eût été le dernier des outrages. La crucifixion n'était pas seulement pratiquée à Rome, mais dans tout le monde ancien, en Orient comme en Occident : la manière de crucifier variait en quelques détails suivant les différents pays, mais partout on y attachait une idée de déshonneur. La croix ne servait que pour les esclaves et les prisonniers de guerre. L’idée d’un Dieu mourant sur la croix était aussi éloignée que possible de tous les esprits.

D’autres archéologues ont essayé de faire remonter par une autre voie la croix jusqu'à l’origine de l’humanité. Voici comment ils raisonnent ou plutôt comment ils déraisonnent. La croix symbolise chez les différents peuples : i" l’eau qui rafraîchit et alimente la nature ; 2" les arbres verdoyants en fleurs ; 3'^ les montagnes et les collines, habitations des dieux. En combinant ces trois interprétations on trouve tous les éléments nécessaires pour faire un charmant paradis : des ruisseaux, de beaux arbres et de riantes collines. Et puis les quatre branches de la croix ne figurent-elles pas les quatre fleuves qui jaillissent au paradis pour arroser toute la terre ! La fantaisie confine ici à l’incohérence.

Que dire de ceux qui aflirment que les chrétiens ont adopté la croix dans le seul but de faciliter la conversion des païens ? Cette théorie, si déraisonnable qu’elle soit, a néanuioins assez de succès auprès de certains libres penseurs qui ne regardent pas à quelques insanités lorsqu’elles peuvent porter préjudice au christianisme. La voici. A l'époque où le christianisme (commençait à se répandre, le monde moral sultissail une crise religieuse. Sous l’impulsion des efforts persévérants de la i)hilosophie, les esprits éclairés al)andonnaienl de plus en plus le culte des idoles p<Hir le culte du Dieu unique. Pour les uns, ce Dieu était invisible, sans nom, inconnu ; pour d’autres, qui n’avaient pas encore atteint cette notion