Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

831

CULTE CHRETIEN

832

abstraite de la divinité et qui avaient besoin d’une représentation quelconque, ce dieu était Sérapis, Mithra, ou le Soleil. Le culte du soleil était très répandu, le symbole de ce culte était la croix, représentation du soleil. Poiir lutter contre le culte de Mithra, les chrétiens tirent preuve d’une grande perspicacité en adoptant la croix. Leurs doctrines, peu connues parmi les païens, étaient interprétées de la façon la plus arbitraire. On s’imaginait que le dieu que les chrétiens adoraient sous la figure de la croix n’était autre que le soleil, le dieu des monothéistes païens ; lui-même n’avait-il pas dit : « Je suis la lumière du monde » ? Les chrétiens, pour convertir les païens, n’avaient donc qu’à leur dire : « Venez chez nous ; votre culte ditïère peu du nôtre : nous aussi nous avons la croix comme symbole. » Que les païens se soient mépris sur le vrai sens du christianisme, c’est très vrai ; mais dire que les chrétiens ont adopté la croix pour faire concm’rence au culte du soleil, est une assertion sans fondement. Il sulUrait d’ailleurs de parcoiuùr la liste des calomnies contre les chrétiens pour voir que le culte de la croix, loin de ramener les païens au christianisme, était, au contraire, un chef d’accusation et un sujet de moqueries de la part des païens.

On invoque quelquefois les ressemblances qui existent entre la Aie de Vishnou et celle du Christ pour affirmer que le Christianisme n’est que le développement du Brahmanisme. La légende de la mort de Vishnou sur une croix est contraire à la pure doctrine brahmane. D’ailleurs elle ne date c|ue du septième siècle de l’ère chrétienne et, ainsi que d’autres traits de sa vie, elle est un simple emprunt au christianisme. L’évangile n’est donc pas une simple adaptation de la vie de Vishnou, c’est le contraire.

Pour résumer, on peut dire que le rôle de la croix comme symbole religieux chez les païens a été singulièrement exagéré. Aucun auteur ancien n’en fait mention, silence difficile à expliquer, dans cette hypothèse. Elle n’était pas non plus l’objet d’un culte spécial, mais un simple signe religieux. Son origine était astronomique, et avec toute la bonne volonté du monde il est impossible d’établir le moindre rapport entre la croix chrétienne et la croix païenne.

Bibliographie. — C. L. Schlichter, De cruce apiid Judæos, Christianos et Gentdes signo salutis, Halae, 1733, 4*^ ; Eckhel, Doctrina nummorum^ 8 a-oI., Vindobonae, 1792-1798, t. VIII, p. 89 ; Lajard, Observations sur l’origine et la signification du symbole appelé la croix ansée ; dans Méni. de VAcad. des Inscriptions et Belles-Lettres, 1846, t. XVII, p. 348879, 4 pl- j Letronne, Examen archéologique de ces deux questions : 1° La croix ansée égyptienne a-t-elle été employée par les chrétiens d’Egypte pour exprimer le monogramme du Christ ? 2" Retrouve-t-on ce symbole sur des monuments antiques étrangers à l’Egypte ? dans Méni. Acad. Inscrip. et B. Lett., 1846, t. XVI, p. 236-285 ; Raoul Rochette, De la croix ansée, ou d’un signe qui lui ressemble, considérée principalement dans ses rapports avec le symbole égyptien sur des monuments étrusques et asiatiques, dans Mém, Acad. Inscrip. et B.Lett., 1846, t. XVI, p. 285-383 ; Sur la croix ansée asiatique, dans Mém. Acad. Inscrip. et B. Lett., 1848, t. XVIII, IP partie, p. 357-387 ; William Haslam, The cross and the serpent, being a brief history of the triumpk of the cross through a long séries of âges, in propliecy, types, fulfilment, Oxford, 1849 ; ^^’- ï^- -^Iger, ifisioryofthe Cross. Boston (U. S.), 1858 ; F. W. Madden, History of Jewish coinage ; in-8, London, 1864, p. 88-87^ L. Millier, Uebcr Sterne, Kreuze und Krànze als religiose Symbole der alien Kulturvol ker, in-8°, Copenhagen, 1865 ; G. de Mortillet, Le signe de la Croix avant le Christianisme, in-8°, Paris, 1866. Le livre de M. de Mortillet a été réfuté par Alexandre Bertrand dans Bev. archéologique, t. XIV, p. 447 sq. ; Ed. Rapp, Das Labarum und der Sonnencultus, dans Jahrb. des Vereins von Alierthumsfreunden im liheinland, t. XXXIX et XL, Bonn, 1866 ; Tlie prechristian Cross, dans Edinburgh Revien-, t.CXXXI, p. 222 sq., 1870 ; A. de Vertus, Du culte de la croix avant J.-C. ; d’après quelques monuments des bords de la Marne comparés aux monuments de l’Orient, dans Ann. Soc. Hist. et Arch. de Château-Thierry, t. IX, 1878, 4°, p. 189 sq. pi. ; O. Zôckler, Das Kreuz Christi, Giitersloh, 1875 ; E. von Bunsen, Das Symbol des Kreuzes bei allen Xationen und die Entstehung des Kreuz- Symbols der christlichen Kirche, Berlin, 1876, 8’^ VII, 236, pi. ; Brock, The cross, heathen and Christian, a fragmentary notice of its early pagan and subséquent Christian adoption, London, 1880 ; Mourant-Brock, La croix païenne et chrétienne ; notions sur son existence primitive chez les païens et son adoption postérieure par les Chrétiens. Traduction faite sur la 2° édit., augmentée et enrichie d’illustrations nouvelles, Paris, 1881, 18° x, 236 pp. Ouvrage sans aucune valeur ; écrit dans un esprit manifestement hostile à la religion catholique ; Haniard, La croix gammée des catacombes est-elle une importation bouddhique ? dans Controv., 1881, t. II, p. 378-6 ; C. de Hai’lez, Prétendue origine païenne de la croix ; dans Controv., 1882, t. IV, p. 705-82 ; La croix chez les Chinois, dans Controv., 1886, VU, p. 587 sq. ; Duruy, La politique religieuse de Constantin ; dans Bev. archéol., 1882, févr. g6-i 10, mars, 155-176. L’auteui" a reproduit cet article dans son Histoire des Bomains, éd. 1885, t. VII, p. 128-159 ; P. Hochart, Le symbole de la croix dans Ann. facul. lett., Bordeaux, 1886, I ; W. W. Blake, The cross ancient and modem., in-4’^, Xew-York, 1888 ; C. de Harlez, Le culte de la croix avant le christianisme, dans Bev. des Sciences Cath., 4’année, 1890, fév. ; Ansault, Mémoire sur le culte de la croix avant Jésus-Christ, Paris, 1891, in -8’^ io4 p. ; œuvre déclamatoire sans valeur ; A.-J. Lafargue, Le culte de la croix avant J.-C, dans Bev. Cath. de Bordeaux, 1891, t. XIII. p. 821-80, fig. ; critique de l’ouvrage précédent ; G. Raynaud, Les nombres sacrés et les signes cruciformes dans la moyenne Amérique précolombienne, dans Bévue de l Histoire des Religions, 1901. t. XLIV, p. 285-261 ; ne prouvent pas l’existence d’un apostolat chrétien précolombien.

E. Feiirexbach, O. S. B.


CULTE CHRÉTIEN. — I. Les objections. — II. Xotionssur le culte chrétien. — III. Caractères du culte chrétien. — Origines. — IV. Influences juives et païennes. — V. Evolution du culte et magistère.

I. Les objections. — Le culte chrétien a été l’objet d’attaques diverses. On reconnaît assez volontiers cpie, dans son ensemble, le culte chrétien est touchant, qu’il parle au cœur, qu’au point de vue esthéticiue il exprime des conceptions élevées et grandioses, qu’il est bien fait pour les foules. Les pages de Chateaubriand n’ont pas encore perdu leur portée, et la liturgie serait plutôt, sous cet aspect, pour l’apologétique un argument dont on n’a pas encore assez tiré parti. Mais on reproche au culte chrétien d’être trop humain, de s’être surchargé en route d’éléments étrangers, juifs et païens. Le Christ n’avait établi aucun culte, ou plutôt il proscriA-ait le culte extérieiu ", et ne A’oulait d’autre culte que le culte intérieur.