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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/425

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CULTE CHRETIEN

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l’adoration du cœur, in spiritu et veritate, il veut une religion sans prêtre et sans autel et n’admet d’autre temple que celui de l’àme. Tout cet ensemble compliqué, qui forme la liturgie catholique, ne serait pas d’origine chrétienne, et devrait être condamné au nom d’un christianisme plus pur.

Ces objections ont d’abord été formulées par les protestants du XVI* et du xvii* siècles, qui attaquèrent avec violence les cérémonies de l’Eglise, comme entachées d’idolâtrie et de paganisme, et surtout la messe. Elles ont été reprises de nos jours surtout, encore par des protestants. En effet, on peut dire que, si le protestantisme était logique, il arriverait, comme y arrivent les i)rotestants liljéraux, à cette conclusion que le culte doit être purement individuel, privé. Chacun doit se faire son culte, comme sa religion et son credo, d’après les principes du libre examen. Les âmes fidèles « arrivent à trouver le culte pur du Dieu intérieur, qu’on cherche vainement au dehors et qu’on lînit par découvrir en soi ». (Sabatif.h, Esquisse d’une philosophie de la religion, iqoS, p. 5.)

Mais encore dans ce système est-on amené par la force des choses, et non sans quelque contradiction, à reconnaître que ce culte intérieur peut devenir extérieur et social, grâce à cette parenté religieuse des âmes, à cette communion de pensée, d’inspiration, qui ne peut venir que de la présence en chacun du même Dieu intérieur, ’< l’ébranlement donné à une àme retentissant dans toutes les âmes sœurs, qui se mettent à Aibrer et à rendre le même son ». (Ibid., p. 54, sq.)

Parmi les plus célèbres de ces attaques contre le culte catholique, nous citerons Middleton, dont la lettre, souvent réimprimée, et du reste sans aucune valeur scientifique, est devenue une arme de combat aux mains des protestants. C est un pamphlet sans critique, écrit par un protestant radical et sectaire qui trouve idolâtrique le culte rendu à l’Eucharistie : les saints peints en rouge rappellent les dieux païens peints delà même couleur, les croix placées aux carrefours sont un c « *uvenir païen, comme Ovide en fait foi, les flagellants sont une imitation des prêtres de Bellone, etc. (Voir à hi bibliographie.)

Les mêmes objections ont été reprises et développées sous toutes les formes dans les ouvrages ou les dissertations que nous citons dans la bibliographie. Ces objections ne sont pas restées sans réponses, et les controversistes catholiques ont écrit sur ce sujet des ouvrages dont quelques-uns ont une vraie valeur, notamment celui de Marangoxi, (Voir aussi la bibliographie.)

II. Notions sur le culte chrétien. — Pour procéder avec ordre, nous donnerons d’a])ord les notions essentielles sur le culte chrétien.

On définit d’ordinaire le culte : un hommage ( « o/a submissiunis, une marque de soumission) en reconnaissance de la supériorité et de l’excellence de quelqu’im, nota suhniissionis où agnitarn excellentiain alterius. C’est la définition la i)lus généraU- du culte, donnée par saint Jkan Damascknh, et adoptée ensuite par la plupart des théologiens. (J. D.^.masc., Orat. III de imaginihus, n. 26, P. G., t. XCIV, col. iS^G ; Cf. Lessius, de virtulihus moralihus, 1. II, c. xxxvi, Louvain 1605, p. 4^2 ; db Lugo, De Incarnatione, disp. XXXIII, sect. i, Venise, 17 18, p. 802 ; De justitia et jure, disp. XIV, sect. i, Venise, 1718, p. 288 ; Fhan-ZBLiN, de Verbo incamato, th. xlv, Rome, 1894, p. 4^6. Cf. A. CiioLLKT, nid. de théol. catholique, au mot Culte en général.) On comprend que, sous cette forme très générale et comme imprécise, le culte peut admettre divers degrés d’intensité ou de valeur, et s’adresser à des cires de catégories très différentes.

Il y a le culte d’un héros, le culte du père dans la famille, ou du chef dans la tribu, et enfin le culte religieux qui s’adresse à Dieu.

Le culte dont nous nous occupons ici est entendu dans un sens plus spécial, c’est le culte chrétien. Il pourrait être défini : L’hommage rendu à Dieu, à Notre Seigneur, à ses saints, et d’une façon générale aux êtres ou aux objets qui ont avec Dieu certains rapports spéciaux. Ici encore ce culte comprend des degi’és. S’il s’adresse directement à Dieu, c’est un culte supérieur, absolu, suprême, et, comme disent les théologiens, un culte d’adoration ou de latrie, Otozi^-iy. ou ly.tpiiv.. Si cc culte ne s’adresse qu’indirectement à Dieu, s’il a pour objet la vénération des martyrs, des anges ou des saints, c’est un culte subordonné, dépendant du premier, relatif, désigné par les théologiens sous le nom de culte de dulie, Sovsiv., qui exprime cette dépendance’. La vierge Marie ayant parmi les saints un rang tout à fait à part et absolument suréminent, le culte qui lui est rendu reçoit le nom d’hyperdulie, ùzspôoy/iiy.. (Sur le sens de ces termes et leur histoire, cf. Suicer, Thésaurus ecclesiasticus, 1728, sous ces mots.)

D’après ces principes, on comprend qu’un certain culte peut être rendu même à des objets inanimés, comme les reliques d’un martyr, la croix du Sauveur, la couronne d’épines, ou même la statue ou l’image d’un saint ; il n’y a pas ici confusion, ni danger d’idolâtrie, car ce culte est subordonné, dépendant. On vénère la relique par suite du lien qui l’unit à une personne adorée ou vénérée ; ou même, comme dans l’image et la statue, on voit dans cet objet un rapport conventionnel avec une personne qui a droit à notre hommage, un symbole qui nous la rappelle. (Voir Dict. de théol. catholique, au mot Adoration, t. I, p. 437 sq. et les auteurs cités à la bibliograi)hie.)

Ces distinctions étaient nécessaires pour la clarté de l’exposition qui va suivre. On peut dire qu’elles dominent toute cette discussion, et c’est pour l’avoir oublié cjue tant d’objections contre le culte chrétien se présentent avec une apparence spécieuse et peuvent égarer un esprit non préparé 2.

III. Caractères du culte chrétien : origines. — Jésus n’abolit pas d’un coup les cérémonies et les rites du culte juif. Quand on afïirme qu’il s’est contenté d’un culte tout intérieur, condamnant par là même le culte extérieur, c’est une affirmation purement gratuite et même démentie par les faits. Il est certain au contraire que N. S. va au temple pour la prière, qu’il célèbre la pàque et les fêtes juives ; il reçoit le baptême de Jean, s’astreint au jeûne, impose les mains aux malades, bénit les pains en rendant grâces, chasse les démons avec exorcisme et donne aux disciples le pouvoir de les chasser en son nom ; il est à peu près certain ([u’il a dû se soumettre à toutes les prescriptions du culte juif. Car une dérogation sur un point ou sur l’autre eût sûrement entraîné des protestations dont un écho se serait conservé dans les évangiles. Le seul point où se manifeste une protestation de ce genre, est l’observation du sabbat et de certaines prescriptions que les Pharisiens gardaient avec un esprit trop étroit.

Les apôtres et les disciples à Jérusalem continuèrent

1. Le mot SouÀsi’x signifiant servitude, on a aussi entendu cc terme comme s’il s’ap|)liquait aux saints eux-mêmes qui sont les serviteurs de Dieu, SoOmi, Cf. Giiollet, loc. cit., col. 2’j07.

2. II y aura dans ce Dictionnaire des articles spéciaux sur le culte de Marie, le culte du Sacré-Cœur, celui des Reliques, celui des Saints, le culte de la Croix, le culte des Morts, etc. Nous laisserons donc de côté ces aspects de la’question.

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