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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/46

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ALBIGEOIS

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vêpres, ni à la messe, ni ailleurs, la plénitude de leurs àræs. Si M. Tjrrell répond qu’il fait exception ainsi que ses amis, nous lui rappellerons deux thèses de théologie qu’il doit connaître : i° Ceux qui ont perdu la vraie foi gardent le souvenir humain et naturel de leurs anciennes croyances : cette observation psychologique, il le sait, explique bien des étrangetés dans l’histoire des hérésies. 2° Sans avoir perdu la foi, il peut arriver à un lliéologien de construire un système cjui soit en réalité subversif de la foi : averti de son erreur, si vraiment poiir lui l’autorité divine est indiscutée, s’il a de Dieu la haute estime rpie tout homme doit en avoir, ce théologien renonce à ses constructions personnelles : ce geste ne peut surprendre que ceux qui ne connaissent pas Dieu ; s’ils sourient, il n’y a qu’à les plaindre grandement ; pour nous, nous estimons que se soumettre à l’autorité divine par la foi, c’est s’honorer soi-même en même temps qu’honorer Dieu. Il est toujours beau de faire son devoir et de se tenir à sa place, devant son Créateur.

M. Tyrrell réplique qu’il n’est tombé dans aucune erreur, puisque, s’abstenant al^solument de tout jugement sur la nature intrinsèque de Dieu, il ne peut pas errer sur Dieu : n’errent que ceux qui cèdent à la curiosité métaphj’sique. Mais nous dire que « la formule trinitaire serait contradictoire, si elle avait une valeur métaphysique >>, n’est-ce pas porter un jugement de valeur ontologique ? Les Unitariens disent-ils autre chose ? M. Tyrrell répond qu’il exclut rUnitarianisme : « la formule a une valeur pratique ; elle indique d’une manière obscure une vérité qui ne peut se définir et qui cependant exclut l’Unitarianisme etc.’» Tout cela, dans un autre contexte que celui de M. Tyrrell, aurait un sens catholique : nous ne connaissons pas en effet adéquatement le mystère de la Trinité, mais nous en savons assez pour pouvoir, en pratique, exclure l’Unitarianisme etc. Mais comment l’Eglise a-t-elle exclu ces hérésies sur Dieu ? Par des jugements sur la nature intrinsèque de Dieu : <( le Fils est de la substance du Père », dit le concile de Nicée. Ce qui, remarque S. Thomas suppose qu’on atteint aliquid veritatis qiiod sufpciat ad excltidendos errores, De Pot., q. 9, art, 5 init. ; comparer avec le concile du Vatican, Denz., 1796 (164 4)- M. Tyrrell, lui, exclut l’Unitarianisme, le Sal )ellianisme etc., en s’abstenant de tout jugement sur cette même nature. L’Eglise entière croit à la vérité objective de la formule de Nicée ; M. Tyrrell, lui, juge qu’ainsi entendue la formule est contradictoire, et par suite que nous tous, lui seul excepté, nous adhérons à une absurdité. Le Credo entendu au sens objectif est, d’après lui, à ranger parmi les « impertinences » delà raison. Telle est, on n’en peut, hélas ! pas douter, la pensée de M. Tyrrell. Voilà où mène l’agnosticisme dogmatique ; cet exemple justifierait à lui seul, s’il en était encore besoin, après tout ce qui précède, l’Encyclique Pascendi (§ In tota), lorsqu’elle décrit le modernisme comme « le rendez-vous de toutes les hérésies ».

BmLiOGRAPniE. — Outre les ouvrages cités dans le cours de l’article, on lira utilement i* l’art. Agnosticisme et Dieu dans le Dictionnaire de Vacant-Mangenot ; l’art. Posiiii’ismus dans le Kirchenlexicon, 2 édit. ; et Vavt.Agnosticisin dans The Catliolic Encyclopædia, New-York, 1907. 2" Sur la connaissance religieuse en général, Denzinger, V ier Bûcher der religiôsen Erkentniss ; W. G. Ward, Essays on philosophy oftheism, London, 1884, 2 vol. 3° Sur la connaissance des attributs de Dieu, le troisième volume de Heinrich, Dogmalische Théologie et le premier volume de Pohle, Lehrbuch der Dogmatik donnent un bon résumé de l’enseignement palristique et scolastique, accommodé aux besoins actuels. Rien cependant ne suppléera à l’étude des grands théologiens v. g. des trois premiers livres du De Deo de Suarez. 4° W. M. Lacy, An examination of the philosophy of ihe Unhnowahle, Philadelphia, 1883 ; A. W. Momerie, Agnosticism, London, 1889, Belief in God, London, 1891 ; Flint, Agnosticism (Croall Lectures), 1908 ; Gruber, Auguste Comte ; Le Positivisme depuis Comte, 2 vol., Paris, Lethielleux ; J. Lucas, Agnosticism and Religion, heing anexaminationof Spencers religion ofthe Unhnowahle, Baltimore, 1895. 5° On trouvera la bil)liographie sur Maïmonide dans la thèse du rabbin de Dijon, Louis-Germain Lévy, La Métaphysique de Maïmonide, Dijon, 1906, p. 145-149 ; voir Moses ben Maimon, sein L^eben, seine Iferke und sein Einfluss, par le rabbin Guttman et divers collaborateurs, Leipzig, 1908, i"vol. M. CUOSSAT.


ALBIGEOIS. — La croisade entreprise, contre les Albigeois, au commencement du xiii’siècle, est l’un des faits les plus importants de l’histoire religieuse au Moyen Age. L’Eglise en doit porter seule la responsabilité. C’est elle, en effet, qui appela sur le midi de la France Simon de Montfort et ses croisés, qui dirigea l’expédition et, la victoire une fois acquise, en assura les fruits par diverses mesures, et en particulier par l’établissement de l’Inquisition.

La croisade albigeoise est un événement aussi diiricile à saisir dans son ensemble qu’à suivre dans ses détails d’une complexité extrême, et qui, par cela même, fournit et fournira longtemps matière aux déclamations passionnées de la critique antireligieuse. Sans doute, l’histoire de cette croisade n’offre pas une de ces pages où le regard de l’historien s’arrête avec plaisir ; mais si l’on réfléchit qu’il y a des nécessités historiques, des passes douloureuses pour l’humanité, d’où l’on ne peut sortir sans violence, on reconnaîtra que la croisade contre les Albigeois était une de ces nécessités, que l’intervention de l’Eglise était juste et que les moyens dont elle usa étaient les seuls à sa portée. Il n’y aurait pas place ici pour un récit détaillé et suivi de cette croisade ; nous nous bornerons donc aux événements qui révèlent le mieux le caractère et la tendance des Albigeois et la nature de l’intervention des papes dans les troubles suscités par ces hérétiques.

L’Eglise hésita longtemps avant de recourir à l’emploi de la force. Il y avait plus d’un siècle que la doctrine albigeoise s’inliltrait dans les provinces du Midi et s’y propageait lorsque Simon de Montfort, à la tête des croisés du Nord, se présenta devant Béziers (1208). Pendant cette longue période, l’Eglise n’avait eu recours qu’aux armes de la persuasion. Raoul Ardent (iioi), saint Bernard (1153) avaient parcouru les pays infectés de l’hérésie, démasquant l’erreur et sollicitant le zèle des pasteurs et des princes temporels. Le résultat de leurs prédications avait été peu appréciable. La situation religieuse du Midi n’avait fait, au contraire, qu’empirer. Voici, du reste, le jugement qu’en portait le comte Raymond V de Toulouse, clans une lettre à Henri, abbé de Citeaux, dont il réclamait le secours (1177) : « Les prêtres eux-mêmes, écrivait-il, se sont laissés infecter par l’hérésie ; les églises sont désertes ou détruites ; on refuse le baptême, on traite l’eucharistie d’abomination, on n’estime plus la pénitence, on nie la résurrection de la chair, on repousse tout ministère sacré, et, ce qui est pire, on annonce deux principes… Sachez que le venin de l’hérésie a pénétré profondément ; la main puissante de Dieu et son bras terrible pourront seuls l’extirper. Les cœurs sont aussi durs