Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traces constatables des ravages du déluge biblique ; car, quelle qu’en ait pu être l’étendue, ils ont trop peu duré pour avoir pu laisser leur marque sensible au milieu de tant de modifications profondes, que notre globe a subies durant les longues périodes géologiques et même dans les temps historiques. Autant vaudrait chercher la trace d’une tempête d’antan sur le sable d’une plage marine.

V. Objections tirées des sciences anthropologiques.

Il nous reste à dire quelques mots de certaines difficultés, tirées des sciences anthropologiques et qui, au dire des partisans de la troisième opinion indiquée plus haut, obligeraient d’abandonner même l’universalité relative que nous avons admise.

On objecte d’abord, que, si l’humanité a été réduite par le déluge à la seule famille de Noé, le temps manque pour expliquer la différenciation si caractérisée des races humaines, blanche, noire, jaune, et la formation des langues, dont la diversité n’est pas moins grande ni moins profonde que celle des races. Mais cette objection suppose qu’on sait quelque chose de précis sur la date du déluge et que l’intervalle qui nous en sépare n’est pas très considérable. Or, la Bible, qui seule peut nous renseigner sur la date du grand cataclysme, ne nous fournit sur ce point que des données d’interprétation très incertaine. Toute la chronologie qu’on en tire, repose en effet sur les généalogies des chapitres V et XI de la Genèse ; or, non seulement les chiffres d’années de vie des patriarches, qu’on trouve dans ces généalogies, sont d’une authenticité douteuse, mais il n’est nullement sûr que la série généalogique soit complète et continue. Cela étant, toute base manque pour affirmer qu’il ne s’est pas écoulé depuis le déluge autant de siècles que pouvait en réclamer la différenciation actuelle des races et des langues. Tous les savants sérieux confessent d’ailleurs qu’ils sont hors d’état de préciser le nombre de siècles nécessaire à cet effet. Et il est constaté que des variations raciales ou linguistiques très accentuées se produisent en un temps relativement court, dans des circonstances favorables (A. de Quatrefages, L’Espèce humaine).

On a objecté encore qu’il est impossible de ranger toutes les races humaines dans le tableau de la descendance de Noé, tracé dans le chapitre X de la Genèse ; il y aurait donc des races non issues de Noé et qui, en conséquence, n’auraient pas été atteintes par le déluge. Il est facile de répondre. Rien ne prouve que l’auteur de la Genèse ait prétendu donner un tableau complet ; il n’a sans doute voulu indiquer que les peuples connus des Israélites, et plus spécialement ceux avec qui ils pouvaient avoir des relations. Inutile d’ajouter que, naturellement parlant, il ne pouvait guère en indiquer d’autres, et il n’y a pas de raison pour que Dieu, en pareille matière, suppléât à son ignorance par une révélation.

Pour les rapports du récit biblique du déluge avec les légendes babyloniennes, voir l’art. Babylone et La Bible.

Bibliographie. — R. Andrée, Die Flutsagen, ethnographisch betrachtet (1891) ; Bosizio, Die Geologie und die Sündfluth (1877) ; Breitung, Zur Orientierung, dans Zeitschrift für katholische Theologie (1887) ; Brucker, L’universalité du déluge (1886) ; Questions actuelles d’Écriture Sainte (1895) ; Cetta, Il diluvio (1886) ; Girard (de). Le déluge devant la critique historique (1893) ; id., La théorie sismique du déluge (1895) ; Gonzalez Arintero, El diluvio universal de la Biblia y de la tradicion (1891) ; Güttler, Naturforschung und Bibel (1877) ; M. Hagen, Lexicon biblicum, art. Diluvium, de F. Zorell (1907) ; Kaulen, dans le Kirchenlexikon, 2e éd., t. XI, art. Sintflut ; Klee(Fr.), Le déluge (1853) ; Lambert, Le déluge mosaïque (2e éd., 1870) ; Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient jusqu’aux guerres médiques (1869) ; Origines de l’histoire (1880) ; Lüken, Die Traditionen des Menschengeschlechts (2e éd., 1869) ; Mangenot, art. Déluge, dans le Dictionnaire de la Bible (1899) ; Hugh Miller, Testimony of the Rocks (1858) ; Moigno, Les Livres Saints et la Science (1885) ; Les splendeurs de la foi, t. III ; Motais, Le déluge biblique devant la foi, l’Écriture et la Science (1885) ; Reusch, Bibel und Natur (4e éd., 1876) ; Robert, La non-universalité du déluge (1887) ; Schäfer, Das Diluvium in der Bibel ; Schœbel, De l’universalité du déluge (1856) ; Schöpfer, Geschichte des Alten Testamentes (1902). Traduction française de Pelt (1897) ; E.Suess, Das Antlitz der Erde (1883) ; Thomas, Les temps primitifs et les origines religieuses, t. II ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. I ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, t. III ; Manuel biblique, t. I ; Fr. von Schwarz, Sintfluth und Völkerwanderungen (1894) ; Westermayer, Das Alte Testament und seine Bedeutung (1861). En outre les Introductions à l’Écriture Sainte et les commentaires sur la Genèse.

J. Brucker, S. J.


DÉMOCRATIE. — Ce mot est de nos jours tiré en divers sens, et couvre des idées disparates, dont l’examen détaillé ferait en partie double emploi avec des articles ultérieurs. Renvoyant notamment aux mots État, Pouvoir (Origine du), Révolution, les développements d’ordre technique, nous nous bornerons à reproduire ici, à titre de première orientation, les considérations suivantes, mises gracieusement à notre disposition par un illustre homme d’État, catholique. Elles sont détachées d’un volume paru sous ce titre : La conquête du peuple (Paris, Lethielleux, 1908). (N. D. L. D.)

Qu’est-ce que la démocratie ? Je ne sais pas de mot plus équivoque et qui cache des conceptions plus diverses.

Est-ce seulement une société où, l’hérédité ne conférant aucun droit public, les obligations de la loi civile sont les mêmes pour tous ? Aucune contestation, d’ordre pratique, ne s’élève contre ces conditions actuelles de la vie nationale.

Est-ce une organisation sociale où les droits et les intérêts du peuple sont représentés et protégés par des institutions qu’il administre et gouverne librement, où les faibles sont, par la puissance des associations autonomes, garantis, autant que possible, contre la tyrannie du pouvoir souverain, les abus de la force et les excès des détenteurs de la richesse ? Un tel régime serait assurément conforme à tous les principes catholiques.

Le Moyen Age offrit, en effet, dans la constitution corporative et communale, plus d’un exemple d’une semblable démocratie : elle était fondée sur le droit chrétien inspiré par la philosophie de l’Évangile, et l’action de l’Église pénétrait de sa constante influence, ses mœurs et ses lois.

Après huit siècles écoulés, nous voyons encore, sous nos yeux, s’agiter impétueusement, comme les tronçons épars d’un organisme rompu, les restes de cette vie puissante, conservés par d’impérissables traditions. Le mouvement syndical, la renaissance provinciale, qui infligent aux conceptions individualistes du XIXe siècle un si éclatant désaveu, se rattachent à ces sources profondes.

Est-il possible de ranimer cette vie prête à s’éteindre, de rapprocher ces tronçons dispersés, et de