Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/467

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

917

DEMONS

918

réveiller ces traditions confuses ? Aucune œuvre n’est plus digne de tenter le génie des hommes d’Etat. A ce prix la démocratie pourra devenir une forme sociale féconde et durable. Notre société qui n’est, dans sa centralisation jacobine, qu’une dictatui-e plébéienne, n’en a jusqu’ici que la trompeuse étiquette.

Gai’, si la préoccupation croissante des besoins populaires est une des marques distinctives de notre temps, et, parmi tant de défaillances, son honneur et sa vertu, elle ne suffit point, non plus que les formes électives ou parlementaires du régime politique, à caractériser la démocratie.

Le Royaume de Belgique, la Monarchie britannique, et même l’Empire allemand, sont. à cet égard, en beaucoup de points, plus avancés que la République française.

D’ailleurs, ce mouvement universel des mœurs et de la législation, bien loin d’effrayer les catholiques, répond à leurs obligations les plus certaines. Ils doivent en prendre résolument la tête, quelles que soient les formes de la société civile, parce qu’ils sont, par l’effet même de leur foi religieuse, les défenseurs nés des faibles et des déshérités, les promoteurs naturels de la justice sociale.

Mais, pour la langue politique moderne, la démocratie est tout autre chose. Ce qu’elle entend par ce mot retentissant, dont elle jette au peuple les promesses, confuses comme les aspirations qu’il abrite, c’est le règne absolu du nombre, l’aveugle domination d’une masse inorganique, formée d’indiA’idus confondus dans une apparente égalité.

En ce sens, elle n’est que la formule sonore de la grande illusion sociale créée par la Révolution, l’expression ambiguë d’un de ces « faux dogmes » dénoncés par Le Play, et sur lesquels repose toute la société moderne, ou plutôt de celui qui contient tous les autres et dont ils découlent naturellement.

Comte A. de Mun.


DÉMONS. — Ce nom désigne, d’après l’usage, tous les esprits mauvais qui trompent et affligent les hommes, et, au sens strict, l’un quelconque des anges déchus, devenus les ennemis de Dieu et des hommes. Plus particulièrement le mot démon — comme diable, Satan, Lucifer — désigne le chef des mauvais anges. Nous traiterons dans la première partie (Histoire et traditions) des démons dans l’Ecriture, dans les apocryphes et dans les littératures profanes, puis, dans la seconde partie (Théologie), nous exposerons l’enseignement dogmatique de l’Eglise, et ensuite le sentiment commun des théologiens sur les points controversés : chute, nombre, nature, punition, action des démons, relations avec les hommes.

I. Histoire et Traditions. —

i. Aes démons dans l’Ecriture Sainte. —

Dans le Pentateuque, le rôle des démons est laissé dans l’ombre, pour ne pas mettre les Juifs sur la voie du dualisme et de l’adoration des esprits mauvais : Dieu, qui interdisait même de faire des statues et des portraits (Exod., xx, 4 ; Levit., XXVI, i ; Deut., v, 8, vii, 5, xxvii, 15), ne pouvait pas mettre en relief la personnalité du démon, à qui la crainte aurait fourni des adorateurs. Du moins, dès le commencement de la Genèse, nous trouvons, de manière suflisamineut claire, le démon sous la figure du serpent tentateur, comme nous l’enseigne saint Jean, Apoc, xii, 9 ; xx, 2 ; c’est par son envie et par sa jalousie contre l’homme <pie la mort est entrée dans le monde à la suite du pcclié, Sap., u, ’2.liIIebr., II, i/j.G’estdelà — de la chute de l’homme causée par le démon sous la forme d’un serpent, et de la corruption de la nature humaine qui s’en est suivie — que découle la nécessité de la Rédemption et, par suite, toute l’économie du judaïsme et du christianisme ; aussi trouve-t-on dans la Bible de fréquentes allusions à l’arbre de vie, Prov., iii, 18, XI, 30, XIII, 12, XV, 14 ; au chemin de vie, Pro%’., 11, ig, v ; 6, X, 17, XII, 28. Toute l’attente messianique, en sus du point de vue temporel, présuppose la chute de l’homme et la revanche à prendre sur le démon.

Nous retrouvons encore les démons dans les divers Baals, depuis Baal-Phégor, Xiim., xxv, 18, qui trompe les Moabites et cause la mort de nombreux Israélites, jusqu’à Baal-Zéboub, dieu d’Accaron, qui apparaît déjà dans l’Ancien Testament, W Reg., 1, 2 (Septante), cf. JosÈpiiE, Jntiq. Jud., IX, 11, i, mais surtout dans le Nouveau, Mattli., x, 20, xii, 24 ; Marc, III, 22 ; Luc, XI, 15 ; Joan., viii, 44- Nous les retrouvons encore dans Moloch, idole des fils d’Ammon, Levit., XX, 3 ; III lieg., xi, 5, etc. ; dans Chanios, dieu de Moab, Nuni., xxi, 29 ; Jud., xi, 24 ; III Heg., XI, 17, 33, etc. ; dans Adramélech, IV Heg., xvii, 31 ; Aschérah et Astarté, III Beg., xi, 5, 33, xviii, 19 ; lY Reg., XXIII, 4 ; Asima, lY Reg., xvii, 30 ; Dagon, Jud., XVI, 23 ; 1 Reg., v, 2 à’j ; 1 Parai., x, 10 ; Melchom, IV Reg., xxiii, 13 ; I Parai., xx, 2 ; Nergel, IV Reg., XVII, 30 ; Nesroch, IV Reg., xix, 3^ ; Ls., xxxvii, 38 ; Remmon, IV Reg., v, 18 ; enfin, plus tard, Atargatis, II Macch., xii, 26, et les dieux du monde grec et du monde romain. D’après l’Ecriture, tous ces êtres qui portaient les hommes ai mensonge, à l’erreur, à la débauche, à l’homicide, méritent d’être regardés comme des manifestations, presque comme des personnifications, de l’esprit mauvais, car à côté des textes qui montrent la vanité des idoles, on en trouve d’autres, dans la Vulgate, qui les identifient au démon : Deuter., xxxii, i’) : Jnimolaverunt dæmoniis et non Deo, dits quos ignorabant ; Ps. xcv, 5 : Onines dii gentiuni dæmonia ; Barach, iv, ’j : Exacerbastis enini euin qui fecit vos, Deum aeternum, immolantes dæmoniis et non Deo ; I Cor., x, 19-ai : Quæ immolabant gentes, dæmoniis immolabant et non Deo… Cf. Apoc, IX, 20 ; I Tim., iv, i ; Jac, iii, 15.

Dans le livre de Job, le démon apparaît, pour ainsi dire, personnellement. Satan « l’adversaire », que l’on trouve aussi dans I Para/., xxi, i, et Zachar., lii, I et 2, parcourt la terre, Vo/*, i, 7, à la recherche d’une proie, I Pet., v, 8 ; il accuse Job de ne pratiquer la vertu que par intérêt. Job. i, 10, 11 ; 11, 5 ; il est

« l’accusateur », Apoc, xii, 10 ; il frappe Job dans ses

biens et dans son corps, Job, 1 à 11, dans la mesure où Dieu le lui permet, mais il ne peut triompher de la vertu de Job. Sous les formes poétiques de cet admiral )le livre, nous voyons du moins que le démon hait et jalouse les hommes, qu’il cherche à les porter au péché, mais qu’il ne peut les tenter sans la permission de Dieu, et n’a aucun pouvoir sur leur libre arbitre.

Dans le livre de Tobie, apparaît un démon homicide, Asinodée, Tob., iii, 8, 24, 26, qui a pouvoir sur ceux qui s’abandonnent à leurs passions, ibid., vi, 17. Raphaël le relègue dans le désert, ibid., viii, 3. On a rapproché à tort Asmodée de l’AesIima Aédique, car la racine de ce mot est sémitique (hasmod : Celui qui perd ou qui détruit) et le rôle des deux démons est différent ; Aeshma en effet est le déva (mot syriaque : daha, et iranien : dæva, divus, et même démon, Sv.tij.(, )v, t’{. I, 3. rattaché parfois aux verbes 5y.i(, i, Scx.io/j. ! xt) de la violence ou de la colère. A plus forte raison est-il fantaisiste de vouloir, à l’occasion du seul Asmodée, ramener la démonologie juive à l’iranienne, car les livres pehlvis sont relativement récents et prêtent plutôt à l’hypothèse inverse ; de plus, même s’il y avait identité de nom (ce qui n’est pas), cette identité ne prouverait ni celle d’origine, ni celle de concept ; c’est ainsi que l’emploi du même mot « démon »