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DETERMINISME

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à Glyau (cf. FouiLLKE, Nietzsche et l’Immoralisme) et qu’on rencontre déjà dans Marc-Aurèle et dans Lucrèce. — Les déterministes, adversaires modernes du libre arbitre, disent davantage. Au lieu de s’en tenir à quelque vague et arbitraire affirmation sur la fatalité des événements, ils examinent les causes qui peuvent influer sur la marche du monde, et notamment sur la volonté ; et prétendent démontrer par cette analyse que la cause détermine toujours tout événement, au point d’exclure en toute rigueur un choix libre de la part de la volonté. Aussi les différentes formes qu’a prises la doctrine déterministe se distinguent suivant qu’elles prétendent découvrir la raison déterminante de la volition dans un tel ou tel autre facteur causal.

IL II est presque superflu de noter que le déterminisme est inconciliable avec la foi catholique.

— Négation radicale du libre arbitre, il est en contradiction flagrante avec la définition du Concile de Trente (sess. ai, can. 5) et avec plusieurs déclarations très explicites du Saint-Siège, se rapportant siu-tout aux erreurs de Baïus et des jansénistes.

m. Brève indication historique. — Foxsegriae a donné un aperçu historique sur le détcrininisiRe, qui conserve toute sa valeur. On constate à tontes les périodes de l’histoire, sinon des formules très précises du déterminisme, au moins des tendances doctrinales qui doivent logiquement y aboutir. — Nous ne mentionnons que i)our mémoire les croyances enfantines des astrologues qui nont pas complètement disparu de nos jours. Dans sa forme scientifique actuelle, le déterminisme se rattache aux grands systèmes qui ont succédé aux tâtonnements philosophiques de la Renaissance. Leibniz affirme le libre arl>itre en paroles ; mais il l’explique de manière à le faire totalement disparaître. Il lui était d’ailleurs manifestement impossible de reconnaître à l’homme une puissance {pie son oi)tiniisme devait logiquement faire refuser à Dieu. — Hume a pris à ce sujet une position très équivoque ; mais qui ne pouvait manquer d’aboutir, chez tous ceux ([iii ont subi son influence, au déterminisme absolu qui trouve sa formule chez Spencer. — Kant admet, il est vrai, une indétermination « iiouménale » ; il postule la liberté comme objet de croyance ; mais il considère les phénomènes comme rigoureusement enchaînés. Aussi un kantien comme Sciiopen-HAUER pouvait très naturellement écrire le fameux

« Essai sur le libre arbitre « , qui est l’expression

classique du déterminisme métaphysique.

De nos jours, la plupart des naturalistes, passant de la méthode positive à la philosophie positiviste, se laissent entraîner à des affirmations déterministes, dont ils ne paraissent pas toujours saisir la portée ; et il n’est point douteux qu’en dehors des écoles caliioli(iues, le déterminisme rallie la majorité des suffrages. — Nous assistons, il est vrai, a une réaction. Des philosophes autorisés protestent contre le déterminisme absolu, où ils ne voient que des généralisations hâtives, arbitraires, illusoires. Mais dans la plupart des cas, leur indéteriuinisme est i)asé sur des doctrines inacceptables, comme le pragmatisme, ou sur quelque lliéorie désastreuse concernant le principe de causalité. Aussi ils ne peuvent être <[ue d’un secours médiocre <lans la lutte contre le déterminisme ; et l’on j)eut dire que seule la philosophie traditionnelle esl capable de lui tenir tête et de défendre la liberté nujrale.

IV. Les différentes formes du déterminisme ; leur réfutation. — Comme nous l’avons inditpié oi-dessus, différentes formes de déterminisme se dis tinguent d’après les réalités où l’on prétend découvrir la cause déterminante de toute volition. Certains philosophes se dégagent de toute analyse particulière, et ne s’adressent qu’au principe de causalité, ou de raison suffisante, pour en conclure que le déterminisme est impérieusement exigé par la raison humaine, la liberté étant contradictoire dans sa notion même. Nous nous trouvons alors devant le déterminisme métaphysique. D’autres, au contraire, opposent à la thèse du libre arbitre les lois qui régissent les activités purement matérielles, ou celles qu’on découvre dans les opérations de l’àme humaine, ou entin les conclusions qui découlent de l’universel empire de Dieu sur toute réalité finie. Ces trois points de vue peuvent se désigner respectivement sous les noms de déterminisme physique, psychologique et théologique.

A. DÉTERMINISME MÉTAPHYSIQUE. ExpOSé.

Le problème de la causalité est sans conteste un des plus ardus de la métaphysique. Leibniz lui a donné une envergure plus large en insistant sur le principe de raison suffisante, qui n’est au fond que le postulat de l’universelle intelligibilité ; mais il n’a guère contribué à éclaircir la question fondamentale, à rapprocher un peu les principes de raison suffisante et de causalité du principe d’identité, — rapprochement qui reste un idéal pour l’esprit humain, et doit fournir la clef de voûte de toute la métaphysique, en unissant dans une structure solide le point de vue statique et le point de vue dynamique, éternellement antagonistes. Quoi qu’il en soit, la causalité s’impose ; le nouveau, comme nouveau, heurte violemment les lois fondamentales de l’intelligence Nécessairement il nous le faut réduire à l’antécédent, dans toute la mesure où il est nouveau. Un commencement absolu est inintelligible ; pas un être, pas un événement, pas une modalité d’être ou d’événement qui ne doive trouver la raison suffisante de son existence actuelle, c’est-à-dire, sa cause dans l’état antérieur de la réalité. Admettre la moindre restriction à ce principe est lui enlever évidemment son caractère absolu ; comme il régit l’intelligence tout entière, celle-ci se trouve mise en question, et nous aboutissons à un relativisme qui n’est autre chose que la négation de toute certitude.

Or l’acte libre est en flagrante contradiction avcc ces exigences intangibles. Il se réduit toujours, en dernière analyse, à une indétermination : l’état général de toutes les causes restant identique, la volonté [)eut agir ou ne pas agir ; les deux termes de l’alternative sont possii)lcs au même titre dans un premier stade de l’univers ; dans le stade immédiatement ultérieur un des teruies est actuel, l’autre n’esl plus même possible. La seconde phase ne trome donc pas sa raison suffisante dans la phase antérieure ; il y a un couimencement absolu ; il y a du nouveau irréductible ; et nous nous trouvons devant la négation du principe de causalité, avec toutes les conséquences que cette négation doit entraîner.

L’acte libre, — ainsi conclut le déterminisme métaphysique, — est donc impossible, contradictoire ; il nous le faut rejeter, car la valeur même de l’intelligence est à ce prix.

Examen critique. — Il est indiscutable que le problème de la causalité est redoutable entre tous.

S’il n’y a pas là un motif pour l’écarter, nous y trouvons au moins une raison d’extrême réserve, surtout lorsque l’analyse de ce véritable mystère doit nous conduire à la négation de doctrines solidement établies par ailleurs, comme le libre arbitre. — C’est ainsi qu’il faut comprendre la boutade de Piat, disant <jue, si la métaphysique ne se concilie pas

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