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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/476

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DETERMINISME

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tons, — et nous sommes alors très généreux dans nos concessions, — que Téquivalence mécanique rigoureuse, non seulement de la chaleur, mais de toutes les formes d'énergies soit établie. Toujovu-s resterait-il qu"il ne peut s’agir ici que d'énergie assimilable à quelque titre à l'énergie mécanique, c’est-àdire, d'énergie quantitative matérielle. On ne considère donc dans l’univers total, que les corps : et lorsqu’on affirme que cet univers est un système clos, on pose en principe, mais sans le démontrer, que les facteurs spirituels ne peuvent en rien modiiier le cours des événements cosmiques. C’est précisément ce qui est en question ; et c’est ce que l’expérience seule pourrait établir.

Aussi on n’a pas manqué d’j' recourir. Mais si l’on échappe par là à la pétition de principe, on tombe dans une généralisation si hâtive, si arbitraire que le paralogisme est à peine moins grossier.

La conservation n’a été approximativement prouA ée que dans quelques cas très simples, énormément éloignés de ceux qui intéressent le déterminisme, — si éloignés que les déterministes n’auraient à se plaindre de rien, si on leur imposait une simple fin de non-recevoir.

Même si l’on voulait accepter cette base de discussion, la généralisation du principe, considéré comme expérimental, apparaîtrait comme singulièrement arbitraire. L’analyse même de l’acte libre dans son retentissement matériel démontre que la quantité d'énergie nécessaire au déclenchement de l’influx nerveux est si petite, qu’au moins dans létat actuel de nos mojens d’investigation, elle peut être inférieure aux inévitables erreurs d’observation. Dès lors comment constater que la volonté ne lance dans l’univers aucune énergie, surtout si l’on remarque, avec le P. Carboxelle, que le travail accompli n’est pas toujours de même signe, mais doit être tantôt positif, tantôt négatif ?

Par conséquent, même en acceptant le terrain siulequel le déterminisme s’efforce de porter la lutte, ce n’est pas le libre arbitre qui essuie une défaite. Nous pourrions rappeler encore les fines solutions de BocssiNESQ, de S. Vexant, de Delbeuf, du général DE TiLLY, pour montrer qu’on peut détruire le déterminisme physique avec les armes des déterministes ; et nous serions bien tenté de conclure que toute cette objection ne vaut pas la peine qu’on s’est donnée pour elle.

Mais étendons jusqu'à l’extrême nos concessions aux théories physiques. Admettons que le principe de la conservation soit une loi rigoureuse de l’univers matériel. Rien de plus aisé, même dans cette hypothèse, que de maintenir le libre arbitre et de comjirendre son action sur les réalités corporelles. — Ce ([ue le principe affirme, c’est la constance quantitatise de l'énergie. Sur sa qualité il ne nous apprend rien ; bien plus, il suppose à toute évidence que cette qualité A’arie sans cesse. — Nous ne parlons pas de la qualité, qui « diminue » toujours, et que M. Bernard Bhuhxes a excellemment mise en lumière dans son livre sur La Dégradation de VEnergie. — Nous voulons simplement désigner par ce mot les différentes formes, connues et inconnues, que l'énergie peut revêtir. Ces formes varient sans cesse, et leurs variations, qui respectent la somme totale de l'énergie d’une manière rigoureuse, exercent l’influence la plus décisive sur l'évolution de l’univers. — Dès lors, le principe de la conservation de l'énergie établira simplement que l’activité du libre ai-bitre retentit dans le monde en modifiant l'énergie qualitativement ; nous conclurons, comme le dit très bien le P. Casïeleix, que la volonté n’est pas « dynamogène », qu’elle est « dynamotrope ».

Et remarquons bien que ce n’est pas là un privilège qu’on revendique pour la volonté humaine. Dès qu’on dépasse la simple transmission de l'énergie cinétique, toutes les activités de l’univers sont de quelque manière dynamotropes. Personne ne l’a mieux établi que M. Colailhac. Ce savant auteur a prouvé en toute rigueur que rien n’est plus normal, rien n’entre davantage dans les idées que nous livre l’anaIj’se de l’univers, que cette influence qualitative que tout principe d’action, y compris la volonté, exerce sur les événements du monde matériel ; et comme c’est cela, rien que cela, que postulent les « actus imperati » de la volonté, on en peut conclure que le déterminisme physique, en se liasant sur le principe de la conservation de l'énergie, raisonne à coté de la question.

Un scrupule peut subsister encore. Comme le fait bien observer M. le professeur Laminxe, dans son ouvrage consacré à l’examen de la philosophie de Spencer, on ne dirige pas l'énergie potentielle. Il faut qu’il y ait déjà du mouvement actuel pour que les forces purement directrices puissent avoir quelque valeiu'.

Peut-être y a-t-il lieu d'étendre cette considération, de manière que l’influence de la volonté ne pourrait se faire sentir que si déjà une énergie d’une certaine forme se trouve à sa disposition. Dès lors, au moins le pouvoir d’initiative absolue paraît devoirêtre refusé au libre arbitre.

Mais ce n’est vraiment là qu’un scrupule. L’absence totale d'énergies très actuelles et modifiables, dans un homme à Aolonté active, ne se conçoit jias. N’oublions pas le principe : Xiliil-olitum quin præcognitum. On ne veut pas, en l’absence de toute représentation. Celle-ci inqjlique l’existence d’une image, qui n’est pas sans une activité cérébrale. Voilà bien tout ce qu’il faut pour l’exercice du pouvoir dynamotrope de la volonté.

Si d’ailleurs on tenait absolument à reconnaître à la volonté un pouvoir d’initiative, c’est-à-dire la faculté de commencer un acte au moyen d'énergie purement potentielle préexistante, la théorie scolasticpie sur l’union de l'âme et du corps nous permettrait parfaitement de la lui attribuer. Elle nous apprend que l'énergie latente des centres nerveux est maintenue par leur forme ; que c’est sur celle-ci qu’il faut agir pour l’actualiser. Or cette forme n’est autre chose que l'àme humaine elle-même. Quels que soient les termes intermédiaires de cette activité, puissance locomotrice et le reste, elle se réduit en dernière analyse à une action de l'àme sur elle-même, — ce qui à coup sur ne compromet en rien la constance quantitative de l'énergie matérielle.

C. DÉTERMINISME PSYCHOLOGIQUE. Ëxposé. —

Etant donné que les lois générales de la matière et de la systématisation scientifique ne s’opposent point à la thèse du libre arbitre, ne peut-on pas tirer des objections nouvelles des lois qui régissent l’esprit ? — C’est ce que prétendent les partisans du déterminisme psjchologique.

Le champ où ils glanent les éléments de leur doctrine est immense ; de fait, il est presque aussi vaste que la psychologie elle-même, et il est manifestement impossible de le parcourir ici tout entier. Cependant toutes les considérations auxcp^ielles se livrent les déterministes peuvent se diviser en deux catégories. 1" Ils prétendent que les éléments représentatifs sont de telle nature qu’ils j)ortent fatalement à l’action. — 2" Le choix libre suppose un état mental déterminé, qu’il ne nous appartient pas de réaliser à notre guise. Précisons l’un après l’autre ces deux chefs d’accusation.

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