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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/477

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DETERMINISME

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I. On connaît ce qu’on appelle la « force motrice » des images. On peut soutenir, sans aucun doute, la nécessité d’un facteur émotionnel ; on peut intercaler dans le processus une faculté « locomotrice ». Le fait même n’est point douteux : la simple représentation mentale tend à se diffuser dans notre personne tout entière, et à se terminer à une action proportionnée. Pour nous servir de l’expression, critiquable d’ailleurs, de RiBOT : Toute image tend à sa réalisation. Evidemment toute image ne s’exécute pas ; mais c’est uniquement parce cju’elle est vague et fugace, ou parce qu’elle est contrariée par une image antagoniste. Lorsqu’une image est précise et isolée, nécessairement elle aboutit à l’action. Si elle se trouve en lutte avec des images à tendances contraires, la victoire appartient à la plus forte.

Si l’on transporte cette ditriculté dans Tordre intellectuel, nous voyons surgir l’inéluctable « choix du meilleur ». Le choix volontaire, qui est autre chose qu’une détermination du hasard, doit être motivé. Le Bien, réalisé dans les biens relatifs, est le motif de la volonté. Par conséquent, où ce bien se trouve, la volonté doit y adiiérer. Que si nous hésitons entre deux biens inconcilial)les, ce ne peut être que pour aboutir au choix du plus grand. Les deux parties de l’alternative se neutralisent selon toute la mesure de leur opposition, et il reste un excédent au profit du meilleur, qui dès lors nous détermine. Dire que la volonté peut librement choisir le plus petit bien en abandonnant le plus grand, c’est, ou bien se dérober à la faveur d’une équivoque en appelant « plus petit » ce qui est le plus grand bien pour le sujet, ou bien tomber dans cette thèse contradictoire que la négation du bien, c’est-à-dire le mal, puisse être l’objet de la volonté en tant que mal.

Il semble donc acquis que le choix ne peut être qu’apparent ; le bien jugé le plus grand s’impose ; et comme l’appréciation d’un bien dépend, non de la volonté, mais de l’évidence intellectuelle, la libre détermination ne peut être qu’illusoire.

II. A supposer même que le plus grand bien ne puisse pas nécessiter l’acte volontaire, le choix libre suppose des conditions qu il ne nous appartient pas de réaliser. Il est clair que l’on ne choisit qu’entre deux termes représentés par l’intelligence. Dès lors, chaque fois que l’on se trouve fasciné par un bien spécial, la prétendue liberté se trouve paralysée. Et il importe de le remarquer, cette fascination ne se produit pas seulement dans les états anormaux de monoïdéisme, conséquences d’hypnose, d’influences suggestives ou de déliilité mentale. Elle se réalise encore chaque fois que nous tournons dans un cercle fermé de représentations, chaque fois que toutes nos idées convergent vers un objet centi’al. Nous ne pouvons pas choisir dans tous ces cas, et la détermination est absolument fatale.

D’ailleurs dans la psj’chologie la plus normale nous sommes fatalement liés au cours de nos idées. Les représentations ne se succèdent pas à notre gré, mais suivant les lois très rigides de l’association. Or le choix suppose, non deux termes quelconques, mais deux termes opposés à quelque titre, puisqu’il s’agit d’accepter l’un et d’abandonner l’autre. Si donc dans le torrent des états psjchiques nous ne rencontrons que des éléments analog-ues ou simplement disparates, sans cette opposition essentielle que suppose l’alternative du choix, nous retournons pratiquement à l’état de monoïdéisme. (Chaque terme a la valeur d’un bien isolé, et doit par conséquent nous déterminer d’une manière inéluctal)le.

Examen critifjue. — Les deux catégories d’arguments sur lesquelles s’appuie le déterminisme psychologique ne sont pas indépendantes ; elles se complètent

mutuellement, et la réfutation totale de l’une ne peut pas se faire sans tjue l’autre se trouve très compromise. Pour plus de clarté, distinguons cependant.

I. Malgré des réserves et des interprétations très nécessaires, mais étrangères au débat qui nous occupe, admettons simplement la « force motrice » des images. Nous reconnaissons sans peine qu’elle est le facteur principal du déterminisme auquel se trouvent soumis les animaux.

Mais cette constatation nous livre simplement une condition de l’exercice de la liberté. Une image isolée vient-elle à surgir dans la conscience, fatalement elle aboutira à l’action. Et on ne l’arrête pas par le néant ; toutes les observations tendent à nous convaincre qu’à cette image il faut, pour l’inhiber, opposer une image antagoniste. La volonté libre doit par conséquent avoir la puissance de créer une telle image, et d’arrêter ainsi les images funestes ou dangereuses.

La’( loi de synthèse » régissant toute notre vie psychique, nous est garante que la fuite du temps n’est pas un obstacle à l’exercice de ce pouvoir ; et l’inlluence qualificative de la volonté, esquissée ci-dessus, nous fait comprendre sans peine que nous agissons de la sorte. A une image suspecte nous opposerons cellequi correspond à l’idée de ses inconvénients, de la défense personnelle, des obligations morales, etc., et toute la force motrice de l’image se trouve par là même enrayée.

Mais on transporte la ditriculté dans l’ordre intellectuel, et on révèle à toute évidence que le déterminisme psychologique part d’une notion absurde de la liberté. — Tout d’abord il n’est pas rare de découvrir au fond de son argumentation un grossier cercle vicieux, puisque le déterministe appellera toujours le

« plus grand bien » celui qui a été choisi. Toute

l’objection consiste donc à déclarer qu’on choisit toujours ce qu’on choisit !

Mais passons. Il est très vrai, dans un sens, qu’on choisit toujours le plus grand bien particulier. S’il n’en était pas ainsi, si l’on pouvait choisir le moindre bien, la liberté ne serait que le peu enviable pouvoir d’être absurde. — Mais là n’est point le problème. Il s’agit de savoir comment on le choisit, fatalement ou par une autodétermination souveraine. La démonstration de la liberté nous montre qixe la Aolonté n’est déterminable que par le bien total, absolu. Entre tous les biens particuliers. — les seuls en cause dans le problème de la liberté, — et le bien total, il y a un abîme. Nous voulons un bien. j)arce qu’il est bien, parce qu’il participe à l’idée de bien général. A tout bien particulier s’oppose donc dans la délibération, non pas le bien total inaccessible ici-bas et déterminant par soi, mais le i)ien général s’étendant jusqu’au bien total. Le bien général est infiniment plus étendu que tout bien particulier ; et s’il ne peut pas èti-e lui-même objet d’un choix eîTectif, puisqu’il n’est qu’une abstraction, il peut nous empêcher de vouloir n’importe quel bien jjarticulier, qui toujours entraîne, dans 1 ampleur de la volonté, une restriction.

Si par conséquent je choisis un bien quelconque, positif, particulier, je peux toujours ne pas le choisir ; je le choisis parce que je m’y détermine souverainement. Cette considération peut nous faire comprendre que la liberté u de contradiction » est la base de toutes les autres formes que peut prendre le choix libre.

II. Ce que nous avons dit des images antagonistes à opposer à la force motrice des images spontanées nous fournit la solution de la deuxième catégorie d’arguments sur laquelle s’appuie le déterminisme psychologique.

Il est très vrai ([uc le choix suppose, connue une